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Live-Report
Anna Calvi - La Popartiserie

12 avril 2015
Rédigé par François Freundlich

Anna Calvi
La Popartiserie, Strasbourg - 8 avril 2015

Lorsque notre photographe Patrice m’a annoncé qu'Anna Calvi allait donner un concert secret dans les murs de la Popartiserie, j’ai répondu incrédule « Génial ! Mais t’es sûr de l’endroit, ça va être l’émeute ! ». En effet, il entre dans cette galerie à peine plus d’une cinquantaine de personnes bien tassées. Mais en arrivant au Salon de la Duchesse, rendez-vous artistique consacré au mouvement des idées, c’est bien la chanteuse anglaise que nous voyons discuter avant de donner son concert. On attend donc sagement en découvrant une pièce de musique acousmatique ou la performance de Luna Moka qui n’hésitera pas à se verser de la cire de bougie chaude sur son corps dénudé.

On se faufile finalement au premier rang pour s’asseoir entre une commode et une cagette, histoire de ne pas prendre trop de place pour laisser entrer tout le monde. Et voilà Anna Calvi qui débarque devant nos yeux ébahis. On apprendra qu’elle est tombée amoureuse de Strasbourg, au point de donner ce concert secret relayé par le bouche à oreille. Elle se lance seule munie de sa guitare électrique saturée dont elle tire toute l’essence explosive, alternant entre le frôlement subtil de cordes et les explosions amples et massives. Sa voix impressionne, nous voilà subjugué par tant d’aisance et de libérations intenses. Nous l'admirions de loin lors de la dernière Route du Rock, les pieds dans la paille bretonne, mais là nous sommes à un mètre, le nez sur la guitare et nous prenons la force d’Anna Calvi en pleine pomme. Son charisme rejaillit de loin comme de très près.

Anna Calvi débute son set tout en introspection avec la guitare hispanisante de Rider to the Sea, le morceau d’ouverture de son premier album et dès les premières notes, nous savons que ce moment va être géant. Elle enchaîne sur No More Words : va-t-elle jouer l’album en entier ? les deux ? On frémit, à mesure que ses doigts glissent, on pense à Jeff Buckley quand elle touche le ciel de ses aigües gracieux. L’extrait de son second album Eliza prend toute sa puissance brute et écorchée dans cette version dépouillée en guitare voix ou Anna Calvi pousse ses chœurs avec une profondeur orageuse. I’ll Be Your Man force l’admiration d’un public contemplatif, dans le silence amibien d’un moment unique. La belle nous gratifiera d’une reprise de Jimmy Hendrix avec Foxy Lady, déviante et impulsive ou Anna Calvi se fait effrontée et joueuse. Elle est ensuite rejointe par Zeynep Kaya, chanteuse du groupe post-punk Hermetic Delight mais également chanteuse lyrique pour une adaptation spéciale de Sing To Me portée par des chœurs gracieux qui nous transportent subitement en plein opéra surréaliste. Les deux voix se rejoignent parfaitement sur cet air mystérieux et hors du temps, en mode duo de Björk et PJ Harvey, amplifié par la surprise de voir Zeynep accompagner Anna. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisque sa fameuse reprise d’Edit Piaf, Jezebel parachève ce concert qui restera longtemps dans nos mémoires de part son caractère exceptionnel.

Le niveau était très très haut ce soir à la Popartiserie, autant du coté des interprètes que des nuages qu’on a cru apercevoir à certains moments. Nous remercions donc le salon de a duchesse pour la chance d’avoir pu assister à cette fabuleuse prestation dans ces conditions idéales. Anna Calvi a prouvé qu’elle faisait partie des très grandes, seule avec sa guitare, sans lumière, sans scène et au même niveau qu’une cinquantaine de personnes. Quel éblouissement. 


Photos de Patrice Hercay