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Live-Report
Belle and Sebastian + Pictish Trail à La Laiterie

12 février 2018
Rédigé par François Freundlich

La pop de Glasgow à son apogée devant nos yeux ébahis : voilà ce qui nous attend avec cette affiche écossaise à La Laiterie de Strasbourg. Vingt ans après son premier passage dans cette salle, Belle and Sebastian est de retour pour notre plus grande joie, et pour présenter sa trilogie d’EP How To Solve Our Human Problems. La réponse est pourtant assez claire, il suffit en fait de se rendre à l’un des concerts du groupe. En première partie, une autre pépite au chardon bien connue autant par ses collaborations que par ses disques : Pictish Trail.

 

Johnny Lynch, alias Pictish Trail, entre sur scène dans son superbe boubou peint d’ananas et autres décorations chatoyantes. On le connaît notamment pour ses collaborations avec Malcolm Middleton (Arab Strap) et James Yorkston ou pour organiser le Howlin’ Fling Festival sur la petite île d’Eigg, à l’ouest de l’Écosse, où il vit. Avec son groupe déjanté, il déploie une électro freak folk hypnotisante et terriblement entêtante. Pictish Trail est un peu le chaînon manquant entre Daniel Johnston et Jimmy Sommerville, n’hésitant pas à déployer des beats synthétiques 80’s et à faire s’envoler sa voix dans des aigus toujours plus élevés. Les guitares électriques et la rythmique punk sont chargées d’apporter la touche de puissance à la frénésie. Pictish Trail n’a pas peur de virer vers le kitsch puisqu’il avoue lui-même rêver de pouvoir représenter l’Écosse à l’Eurovision si le pays pouvait y participer, y voyant même un côté positif au Brexit car cela pourrait rendre son pays indépendant et voir son vœu réalisé. Il n’oublie pas de nous réchauffer le cœur avec quelques ballades folk poignantes où sa voix s’étend dans une mélancolie palpable. Il incite finalement le public à crier de toutes ses forces à chaque fois qu’il lance un gimmick de synthé. Entre mélopée bruitiste bizarroïde et pop taillée pour le dancefloor, Pictish Trail nous aura éblouis par ses talents hors pair de trafiquant de son.

Les fleurs d’Écosse éclosent avec l’entrée en scène de Belle and Sebastian, le groupe qui a rendu sa perfection à la pop. Le septet, accompagné d’invités pour les arrangements cuivres et cordes, s’installe à l’avant d’un écran géant qui diffuse de petits films, formes colorées ou portraits photo de fans pris pour illustrer les pochettes de leurs derniers disques. Stuart Murdoch s’installe au piano pour entamer l’excellente Nobody’s Empire, première pièce d’une longue liste de perles pop plus joyeuses les unes que les autres. Le public est aux anges et réagit à chacune des ouvertures de leurs titres les plus marquants comme I’m a Cuckoo et sa légère guitare hyper entraînante, Stuart Murdoch y danse libéré de tout instrument au centre de la scène. Elle est enchaînée avec leurs derniers singles en date, dont We Were Beautiful, magnifiquement prolongé par les chœurs de Sarah Martin et la trompette de leur invitée espagnole. On ne connaît ce morceau que depuis quelques semaines mais il résonne déjà comme un classique à nos oreilles. Après ce passage dansant, le groupe calme le jeu avec le doux piano de Seeing Other People, extrait de l’album culte If You’re Feeling Sinister, enchaîné au dernier single I’ll Be Your Pilot, ballade sucrée dédiée au fils de Stuart Murdoch. Il nous présente même le cadeau qui lui est destiné, une boîte à musique à manivelle jouant Le Beau Danube Bleu, puisque Strauss semble le calmer quand ses parents ont quelques difficultés pour le faire. Il admet tout de même que I’ll Be Your Pilot sonne davantage Bach que Strauss.



Stevie Jackson aka l’inséparable pendant mélancolique de Murdoch aka la classe incarnée s’empare ensuite du lead vocal sur Sweet Dew Lee. L’occasion d’admirer tout ce qu’il peut apporter au groupe de par ses chœurs ou ses instrumentations précises et envoûtantes à la guitare. Les anciens EPs ne sont pas oubliés avec cette rareté I Know Where The Summer Goes sortie en 1998, un petit cadeau pour le public strasbourgeois. Le groupe affiche même sur l’écran une carte postale glanée dans la ville le jour même, pour nous mettre encore plus dans sa poche. Ils demandent même si certains se souviennent de la setlist du concert strasbourgeois de 1998, le public répondant par ce titre de France Gall – Poupée de Cire, Poupée de Son qui avait été repris. Le groupe semble l’avoir oubliée à part Sarah Martin se rappelant l’avoir jouée à la basse. Stuart Murdoch vient ensuite s’asseoir sur la barrière à l’avant de la scène pour interpréter devant nous la magique Piazza, New York Catcher pour un moment qui nous collera la petite larme à l’œil. Les ballades folk si familières des albums Write About Love, If You’re Feeling Sinister ou Dear Catastrophe Waitress s’enchaînent idéalement. Nous réagissons forcément par des « ah oui! celle-là aussi est trop bien » à chaque enchaînement. Belle and Sebastian nous refait le coup d’inviter quelques personnes du public sur l’hymne entêtant The Boy With The Arab Strap : les fans en t-shirt du groupe sont dans les nuages. La danse continue avec Sarah Martin qui prend le lead vocal sur Legal Man, titre composé par leur ancienne chanteuse Isobel Campbell, interrompu par ce passage hilarant où Stevie Jackson prononce une phrase a capella à la manière d’un dandy lover.

Le rappel est généreux puisqu’après des demandes répétées d’une personne du public, le groupe cède et joue le début du Pastie de la Bourgeoisie, extrait d’un EP de 1997, certainement interrompu faute de s’en rappeler, le groupe ne l’ayant plus joué depuis plusieurs années. L’excellente Get Me Away From Here, I'm Dying termine de nous émouvoir, on ne peut que chanter à tue-tête ce tube incontournable de leur discographie qui termine de nous coller un sourire aux lèvres pour le reste de la semaine. Une dernière explosion dancefloor sur The Party Line et le groupe se retire face à un public en extase. Les Belle and Sebastian sont toujours aussi généreux et sympathiques. La joie insouciante et communicative s’échappant de leurs concerts est intacte, comme un petit voyage au pays des Bisounours où le temps n’existe plus. Happy ever after.