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Chronique de disque
Breton - War Room Stories

31 janvier 2014
Rédigé par Amandine Hénon

 

Breton - War Room Stories

Sortie : 3 février 2014

Note : 4,5/5

 

 

Toute la blogosphère tourne autour de cette nouvelle du début de l’année 2014 : la sortie de War Room Stories, deuxième album des alchimistes Londoniens Breton.
Qui aurait pu leur prévoir un succès si fulgurant il y a encore trois ans lorsqu’on leur reprochait parfois ce que l’on avance désormais comme leur plus grande force : le don pour mélanger les genres, déconstruire pour recréer un patchwork mêlant classicisme et modernité ? Encore plus que sur Other People’s Problems, Breton butinent au gré de leur humeur et de leur inspiration, voguant naturellement du symphonique à la pop, gardant leur empreinte hybride qui nous avait tant charmés dès leur premier EP.
Seulement, même si Libération va jusqu’à présenter l’écoute de l’album en exclusivité et Tsugi de faire sa couverture de février sur les « Explosifs Breton », qu’en est-il réellement de ce War Room Stories ? Les Londoniens ont-ils réussi à passer le cap difficile du deuxième album ?

L’engouement des médias pour le jeune collectif mené par le charismatique Roman Rappak ne faiblit pas depuis maintenant près de deux ans. Considérés comme les étoiles montantes from UK, Breton ont joui, en France, d’une notoriété sans équivoque et c’est avec quelques appréhensions que nous posions dans la platine il y a quelques semaines le deuxième album tant attendu.
Alors que la tournée Other People’s Problems les menait aux quatre coins de l’Europe mais aussi aux Etats-Unis, Breton apprenaient la triste nouvelle, sonnant comme un couperet et marquant la fin d’une ère : le Lab, mythique banque désaffectée du Sud Est de Londres, devenu Think Tank pour les cinq compères, sera détruit. Comme nous l’a déjà expliqué Roman Rappak, le lieu est primordial à l’élaboration de son art et tout était donc à repenser. Soucieux d’évoluer dans un environnement propice, le groupe a donc choisi de s’installer dans le Funkhaus, dans une banlieue industrielle de Berlin. Là aussi, l’endroit est chargé d’histoire puisqu’il s’agit du siège d’une ancienne radio communiste de l’Allemagne de l’Est. Profitant du matériel encore en place, Breton se nourrissent de ce que ces locaux leur inspirent et l’auditeur découvre avec War Room Stories une facette jusqu’alors inédite du groupe.
Finalement, loin de l’univers industriel développé jusqu’à maintenant (même si on en retrouve quelques empreintes sur Legs and Arms), Breton font preuve d’audace et nous offrent tantôt une pop tendue (War Room ou Envy) ou des instants plus solennels tels que Brother, d’une beauté impalpable ne cessant de nous emmener là où on ne l’attend pas, pour finalement atterrir entre un chœur gospel et une voix fantomatique. Car là où Other People’s Problems nous invitait à remuer, War Room Stories nous donne plus à réfléchir. Dans un souci du détail qu’on leur connaît, les Londoniens n’ont pas lésiné en invitant un orchestre symphonique macédonien, un chœur gospel du sud de Londres, des percussions africaines vieilles de 300 ans, des couteaux, ou encore des luths grecs construits dans le fin-fond de la Pologne. Rien n’est trop fou pour Breton et il faut bien l’avouer, ils ont ici réussi à allier des cordes toujours plus présentes à des sonorités plus froides et électroniques, véhiculant une esthétique nous poussant dans nos retranchements, à l’image du clip accompagnant Got Well Soon.

Sans tomber dans l’écueil de la pression médiatique, Breton présentent sur un écrin un War Room Stories bluffant, attaquant des angles inattendus. Plus personnel et introspectif, ce deuxième album bénéficie d’une approche subtile et sensible, tout en continuant à tirer les bonnes ficelles lorsqu’il s’agit de proposer une bombe taillée pour les dancefloors. Décidément, les cinq comparses méritent plus que jamais la lumière qu’on leur offre.