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Chronique de disque
Fat White Family - Songs For Our Mothers

21 janvier 2016
Rédigé par Florian Sallaberry



Fat White Family - Songs For Our Mothers

Sortie le 22 janvier 2016

Note : 4/5





Fin décembre, nous nous disions que l’année 2016 allait bien commencer et qu’elle allait nous faire oublier cette triste fin d’année. Le nouveau Bowie, oh oui !, allait sortir, ça serait un chef d’œuvre.

Bon …

Après notre dixième écoute de ★ à la recherche d’un héritage ou du temps perdu, nos débats infinis : « Ziggy c’est le meilleur », « Non c’est Heroes », « N’importe quoi, c’est Low » … Il est temps de passer et de penser à autre chose. Et pour panser nos maux, nous trouvons l’album le plus frais et subversif de ce début d’année Songs for Our Mothers des déjantés Fat White Family.

Mais qu’est-ce que c’est, Fa-Fa-Fa-Fat White Family ? Le nom du groupe annonce la couleur, on imagine tout de suite cette grosse famille de blancs riches ignorante et haineuse, déversant son flot d’immondices à la pause-café de Monsieur, aux réunions Tupperware de Madame ou lorsque Papy sort ses blagues racistes enfonçant sa fourchette dans son poulet du dimanche. Ou pas, me diront certains.

Le premier album du groupe, nommé par cette formidable oxymore-trash Champagne Holocaust, et dont le visuel est un cochon bien membré tenant un marteau et une faucille ensanglantés, illustre toute l’impertinence du sextet londonien. Sur fond de lutte des classes, présentant des titres comme Without Consent ou Bomb Disneyland, FWF joue la carte de la provocation comme quand certains punks n’hésitaient pas à arborer la swastika. N’empêche que leur punk-rock psychédélique novateur séduit et on parle alors de The Cramps ou The Fall. D’autant que leurs prestations scéniques marquent les esprits, concerts exutoires ou le groupe finit souvent en slip.

Le 13 novembre dernier, le groupe jouait à la Cigale dans le cadre du festival des Inrocks, concert qui sera interrompu, laissant un public conquis à d’autres angoisses. Quatre jours après l’impensable, FWF sortait le premier single qui ouvre son nouvel album Songs For Our Mothers : Whitest Boy On The Beach, dont la pochette semble être un pastiche du 20 Jazz Funk Greats de Throbbing Ghistle. Le morceau s’articule autour d’une ligne de basse fabuleuse, entêtante, persistante, le genre qui fait bouger la nuque, les épaules et même le bassin. Un peu comme si le bassiste de Suicide partait à la conquête du dancefloor. C'est déjà bien mais c'est pas tout : des nappes de synthés exhubérantes viennent ajouter une dimension cosmique au morceau quand le chant crescendo, partant du chuchottement jusqu'aux hurlements finaux, répétant sans cesse "Came A Bang", nous plonge dans une euphorie totale. BOUM ! FWF pose le niveau, la barre est haute, même pas sûr que Renaud Lavillenie puisse l'atteindre.

La pochette de l'album Songs For Our Mothers est très sobre, d'ailleurs elle rappelle la pochette de Brothers des Black Keys. Le titre éveille la curiosité : Se sont-ils rangés ? Vont-ils faire des ballades bucoliques comme des bons fils à maman ?  Le tracklisting nous rassure, deux mots attirent instanément notre regard : Goebbels et Lebensraum. Les Anglais n'ont pas l'intention de devenir politiquement correct ! Sur Tinfoil Deathstar, FWF aborde deux aspects peu reluisants de la perfide Albion : l'omniprésence de l'héroïne et les ravages de l'austérité, personnifiés par la mention de David Clampson, un ancien militaire tombé dans la misère la plus totale, décédé l'estomac vide.

Le son du sextet se décline en plusieurs formes : de la ballade en allemand Lebensraum au post-rock tinté de freejazz de We Must Learn To Rise, le groupe ne semble pas avoir de limites. On retiendra le blues ultra-sexué Satisfied, dont la ligne de basse rappelle Depeche Mode ou le long râle Duce, tout en saturation, rappelant les meilleures heures de Sonic Youth. Au final, on ne sait pas trop dans quelle catégorie jouent les Londoniens si ce n'est l'envie de faire danser, "danser sur le rythme de la haine humaine" de leurs propres mots. Et finalement, c'est peut-être ce dont on avait besoin. Prendre du recul, ne plus tenter de comprendre et se laisser aller à ce que l'on fait le mieux : boire, rire et danser.

Le disque se clôture par ce qui semble être une chanson de poivrot. On pense être au fond d'un bar, le micro posé sur une table, le groupe en cercle chantant une chanson type feu-de-camp, avec une guitare sèche et un piano mal accordé. A vrai dire, on comprend qu'il s'agit d'une chanson d'adieu, l'adieu d'Hitler à son meilleur lieutenant avant de se donner la mort au fond d'un bunker.

Classe, non ? 

Ce dernier morceau est l'ultime pied-de-nez de cette farce engagéeFat White Family choque, s'amuse de la haine et nous invite à danser pour tourner en ridicule la bêtise de l'espèce humaine. Album euphorisant aux ambitions démesurées, Songs For Our Mothers nous secoue comme il faut pour nous éloigner de la morne actualité.