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Live-Report
Fortune + Blind Digital Citizen à la maroquinerie

29 janvier 2014
Rédigé par Amandine Hénon

Fortune + Blind Digital Citizen
La Maroquinerie - Le 22 janvier 2013

Fin de la trêve des fêtes de fin d'année oblige, la reprise 2014 se fera dans la douleur, obligés de choisir entre Yeti Lane, exceptionnellement accompagnés par le mythique chanteur de CAN ou les popeux surdoués de Fortune. Longtemps raillés, voire ignorés, les frenchies ne se cantonnent plus à Daft Punk depuis un petit moment. Même si l'on souligne souvent la french touch électro, aujourd'hui, Fortune et Blind Digital Citizen pourraient bien nous prouver que l'hexagone peut et ose tout dorénavant.

Alors que la petite fosse de la Maroquinerie est encore bien vide, Blind Digital Citizen apparaissent dans une semi-obscurité. L’ambiance est austère et quasi monacale, les quatre musiciens s’arment de leurs instruments et entament un titre planant, flirtant avec le post-rock ; le chant est réduit à son minimum et se cantonne à quelques cris et onomatopées. La salle réagit à peine, ne sachant ce qui risque de se passer dans les minutes à venir. Après un premier titre atmosphérique à souhait, le groupe prend un virage radical : sur fond d’électro plus puissante et moins ambiante, accompagné d’une basse funky, le chant prend plus d’espace et s’immisce au premier plan. D’ailleurs, peut-on réellement parler de chant ? Le terme de poésie scandée serait probablement plus approprié. Là où le classicisme poétique rencontre la contemporanéité, Blind Digital Citizen proposent une nouvelle vision de la chanson française, loin de la variété éculée et ringarde. Ici, nous sommes plus proches de la performance, du happening et même si l’impression que la prestation se déroule sur la corde raide, le set des Français réussit à convaincre dans un style moins appréhendable que la pop de leurs amis de Fortune.
Justement, venons-en à eux ; quelques semaines après la parution de leur deuxième album, Blackboard, les fans s’étaient déplacés pour soutenir une formation pop très en forme.
La démarche artistique est probablement aux antipodes de celle avancée par Blind Digital Citizen ; en effet, Fortune ont eux fait le pari d’une musique plus légère, directe et catchy, exercice tout aussi difficile, si ce n’est plus. Les structures musicales sont classiques et l’on pourrait les targuer de prévisibles mais là ne réside pas le talent de Fortune. Evoluant dans la langue de Shakespeare qui aurait croisé l’accent de Cyril Hanouna (vous excuserez les exemples télévisuels populistes), les Français s’attèlent à la sacro-sainte english pop et ils s’en sortent haut la main. Ce soir, Fortune ont fait le choix d’un set crescendo, où la douceur des premiers titres laissera vite place aux rythmes dancefloor. Les contre voix et harmonies vocales sont parfaitement maîtrisées, les refrains toujours bien amenés et rapidement, nous nous laissons happés par les compositions. Entre rythmiques chaloupées et nappes électroniques dansantes, quelques titres comme Since You’re Gone créent leur petit effet. Les influences Outre-Manche, Metronomy en tête de liste, sont bel et bien présentes, créant un cocon synthpop euphorisant. Malheureusement, il y a toujours un « mais » et en ce mercredi à la Maroquinerie, le bémol ne viendra pas du groupe mais d’une partie du public, plus occupée à trinquer avec la bouteille de Jack Daniel’s, qu’à écouter. En résulte un chahut désagréable qui, visiblement, ne gênera pas que les premiers rangs mais aussi les musiciens, Lionel Pierres arborant à certains moments quelques traits de mauvaise humeur parfaitement justifiée.
Néanmoins, la soirée se déroulera sous les meilleurs auspices et malgré les quelques hésitations dues à la nouveauté des morceaux, Fortune semblent avoir répondu à toutes les attentes.

Dompteurs chevronnés de la pop, Fortune ont réussi le pari un peu fou de séduire jusqu’aux Britanniques, foulant les scènes du mythique Koko ou encore de Glastonbury. Dans leur pays d’origine aussi les frenchies remportent un petit succès amplement mérité.

Photos Alan Kerloc'h