Webzine indépendant et tendancieux

Live-Report
Camera + Gizeh au Point Éphémère

07 octobre 2013
Rédigé par Cyril Open Up

Gizeh + Camera
26 septembre 2013 - Point Éphémère, Paris

Ce jeudi, le Point Éphémère nous avait prévenus que, pour raisons médicales, les claviers rétrofuturistes du duo Egyptology resteraient au placard et ne seraient pas remplacés. C'est donc prudemment à 20h30 légèrement passé, histoire de ne pas patienter trop longtemps sur le quai de Valmy, que l'on prend la direction du Point Éphémère. La salle n'est pas encore ouverte, le public pas encore arrivé et des bruits de balance se font entendre. La rumeur court qu'une première partie surprise s'est ajoutée au programme de la soirée...

Peu après 21h00, un groupe sans nom débarque donc sur scène et ne se présentera d'ailleurs pas. Ce n'est qu'après discussion avec l'un des membres à la fin du concert que l'on apprend que le projet pourrait s'appeler Gizeh. Boutade, clin d'œil à Egyptology ou réalité, on ne le saura jamais vraiment. Ce « one time project » réunit sur scène une partie du collectif Le Réveil Des Tropiques et du groupe Trésors. Leur set est totalement improvisé, monté à l'arrache suite à un appel à invitation de la tête d'affiche sur Facebook pour les précéder. C'est ainsi qu'Adrien Kanter (Le Réveil Des Tropiques) lance qu'il voudrait bien venir jouer de la trompette. Cela est donc parti pour une vingtaine de minutes d'expérimentations soniques à base de claviers, de batterie et donc d'une mini-trompette. A l'exception de cette dernière, on se s'éloigne finalement pas trop musicalement des absents du soir. La jam-session permet aux musiciens de s'échanger l'instrument à vent, de prendre place à tour de rôle dans le public pour juger de l'acoustique, puis d'aller peaufiner les réglages avec l'ingénieur du son. « Tiens et si je prenais la trompette, oh et puis non, si je m'emparais d'une baguette » pourrait être un peu le résumé de cette intense prestation en roue libre mais maîtrisée qui s'est avérée être en fait un hommage aux héros de la soirée.

Sur les coups de 22h00, les Berlinois Camera (à ne surtout pas confondre avec les américains du même nom) prennent donc place derrière leurs instruments. Réputé pour donner des concerts sauvages en pleine rue sans autorisation, le trio n'aura pas la crainte de voir débarquer la police à n'importe quel instant, cette fois-ci, puisque le concert est bel et bien officiel. Ces derniers mois, les musiciens ont eu l'honneur d'accompagner Michael Rother en tournée pour interpréter brillamment les hymnes krautrock de Neu! et Harmonia. Ce soir, Franz Bargmann à la guitare, Timm Brockmann aux claviers et, cela ne s'invente pas, Michael Drummer à la batterie sont là pour jouer les titres de leur premier long format Radiate! sorti l'année dernière. La salle n'est pas comble, mais l'affluence n'est pas ridicule non plus. La guitare peut donc rugir des amplis, la batterie prendre une jouissive cadence métronomique et les synthétiseurs ajouter la touche psychédélique qui va bien. Le premier morceau est une lente et progressive mise en bouche de quarante minutes (à moins que plusieurs titres n'aient été enchaînés) tout en accélérations, décélérations et passages répétitifs. Un voyage déboussolant où nos repères se brouillent, se mélangent, s'inversent et où l'ivresse nous gagne même sans avoir consommé la moindre goutte de quoi que ce soit. Il faut bien reconnaître que la musique des Allemands attrape par le col et entraîne quiconque s'y frotte dans un état second. Les notes des cordes de guitare réverbèrent à plein régime, les synthétiseurs old school étourdissent à tout-va. La musique instrumentale de Camera permet de passer d'un état méditatif à un état enragé en une fraction de seconde. Elle entraîne l'auditeur dans un voyage en forme de montagnes russes qui attrape les tripes et secoue les viscères, puis laisse reposer tout cela à coups de rythmes plus sages. Une petite heure rappel compris aura suffi à nous en convaincre, si comme le dit l'inscription sur leur grosse caisse, « hate is real », notre amour pour la musique de Camera l'est tout autant et l'on a déjà hâte de la recroiser dans une salle parisienne ou, encore mieux, dans l'une des stations du métro berlinois du quartier de Kreuzberg.  

 

Photos de Alan Kerloc'h