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Live-Report
Petit Fantôme + Amor Blitz à l'Espace Django

10 avril 2018
Rédigé par François Freundlich

La French Pop dans toute sa splendeur s’acoquine dans la salle toute neuve de l’Espace Django de Strasbourg avec les locaux de Amor Blitz qui ouvrent pour les Bordelais de Petit Fantôme. Nous sommes fin prêts pour une dose de romantisme sur fond d’électricité planante.

Après avoir sorti l’un des albums français les plus remarquables de l’année 2017, l’excellent Ta jalousie est un drone, les Strasbourgeois de Amor Blitz sont de retour sur leurs terres pour un concert dans des conditions sonores assez parfaites. On avait l’habitude de les voir dans des caves de bar à l’acoustique un tantinet plus sale qui rendrait grunge n’importe quel groupe de pop le plus soigné. Ce son plus subtil, voire lisse, nous permet de profiter de tous les déliés des compositions de Amor Blitz. Les dérivations imposantes de guitares tarabiscotées mises à l'avant d’une basse métronomique hyper dansante nous font copieusement remuer des fesses. Le quatuor cherche à nous perdre en accélérant ses compositions originelles dans des adaptations live faisant la part belle à des instrumentations allongées. La voix grave en français impose un décorum post-punk même si le chanteur modifie allègrement sa façon de chanter d’un titre à l’autre. Elle peut être froide et directe comme beaucoup plus aiguë et maniérée, ce qui leur a valu le qualificatif de EIFFEL 2.0, en référence au groupe bordelais. Effectivement, on retrouve cette énergie et cette fougue à faire sonner la pop ou le rock en français en usant de riffs s’inscrivant directement en mémoire, comme sur l’étonnante ritournelle de Un bain de lumière. L’un des tubes qui parsèment le concert, Ta jalousie est un drone, tellement efficace avec son petit gimmick math-rock, est resté comme le sommet d’un show court mais d’une puissante méticulosité. Dans une version maîtrisée malgré son hyper-rapidité, l’un des meilleurs morceaux de l’an passé prend une autre dimension dans ces conditions idéales. Beaucoup de Blitz, beaucoup d’Amor et un avenir qu’on espère radieux pour ce groupe qui mérite le meilleur.

La seconde formation du soir arrive du sud-ouest. Petit Fantôme n’est pas venu en Twingo, comme dans l’enfance de son chanteur Pierre Loustaunau, où lui et sa famille traversaient la France pour voir sa famille dans le Nord-Est. Ses petites anecdotes rigolotes auront marqué un concert teinté d’un certain romantisme mais avec des versions live plus énervées que les précédents concerts auxquels nous avons pu assister. Évidemment, la plage de La Route du Rock et sa chaleur estivale incite à calmer le jeu, tandis qu’un concert en salle devant un public timide appelle à davantage de démesure. Le son du quintet est néanmoins ample, voire orchestral, avec ces arrangements précis et lumineux qui nous transportent immédiatement dans une autre dimension. La voix claire et enlevée est hyper attachante, nous tenant en haleine jusqu’à la dernière seconde avec des textes poétiques et mélancoliques. On a comme l‘impression de se changer en fantômes sur les instrumentaux planants et psychédéliques de Elle s’abîme, où une trompette vient chapeauter idéalement l’ensemble d'un titre aérien à l’espace infini. La très efficace Easy Come Easy Go n’est évidemment pas oubliée, interprétée dans une version électrisante à la rythmique puissante. Son final bruitiste tout en accélération nous excitera pendant plusieurs minutes. Le leader, également membre de Frànçois & The Atlas Mountains, rejoint parfois les sonorités de son autre groupe dans les passages les plus rêveurs, comme sur Libérations terribles. On reste néanmoins sonnés par l’amplitude et l’espace géant déployé par Petit Fantôme, fantomatique, à la fois partout et nulle part.

 

Voilà deux groupes qui tricotent la pop en français à leur manière et sont chacun parvenus à créer leur propre et unique son en évoluant, expérimentant et proposant. On n’en demande pas plus, enfin si, puisqu’on restera à l’écoute sans faute.