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Live-Report
Three Trapped Tigers + 100% Chevalier au Stimultania

12 septembre 2013
Rédigé par François Freundlich

4 septembre 2013
Stimultania - Strasbourg

 

La galerie d’art du Stimultania accueillait une double affiche pour ce concert de rentrée avec les Anglais de Three Trapped Tigers et les locaux de 100% Chevalier. L’occasion d’occuper tout l’espace de ce local sans scène mais permettant une ambiance assez unique, au plus proche des groupes.

Les Strasbourgeois de 100% Chevalier se sont installés en cercle en plein milieu de la galerie, le public prenant place tout autour. Le trio assène un math rock instrumental furieux porté par un cavalier bassiste, véritable pile électrique ayant toujours l’air de chevaucher un destrier avec ses jambes écartées. Il s’amuse à approcher le public au plus près avec des mouvements épileptiques suivant la rythmique effrénée du batteur. Ce dernier se donne corps et âme à son instrument puisqu’il se coupera malencontreusement à la main, le sang s’écoulant sur le tom de la batterie. Il en fallait jadis moins pour rendre un concert mythique. La guitare aux multiples échos distordus devient crissante et mène sa vie propre et divagante, bien à part d’une section rythmique mathématique ne faisant pas dans la demi-mesure. Après une bonne dizaine de minutes de variations, changements de rythmes permanents et riffs de guitares incantatoires, le trio remercie le public d’avoir écouté son premier morceau. Ceux-ci ont en effet une certaine durée puisque 100% Chevalier poussent l’effort physique jusque dans ses derniers retranchements, leur prestation prenant la forme d’un marathon musical tout en puissance. Le trio veut amener son public dans une certaine transe par des ponts psychédéliques de guitares et cette rythmique méthodique en mouvement perpétuel. Ils ouvrent sans cesse une nouvelle porte débouchant sur des évolutions à angle droit dans chacun de leurs morceaux, le tout avec une certaine autodérision. On esquisse un sourire lorsqu’ils s'arrêtent pour diffuser un air de Pavarotti bien connu et de reprendre avec un bon riff noise lorsque l’Italien s’apprêtait à lâcher sa voix. Le concert se termine alors que le bassiste brandit une épée en bois qu’il saisit avec sa bouche, tout en continuant de jouer. L’ennui ne pointe jamais le bout de son nez puisque 100% Chevalier trouve toujours un moyen de le contourner avec une nouvelle idée. Leur concert est certainement une expérience à vivre.

La tête d’affiche du soir arrive de Londres, juste avant leur concert en première partie de Deftones au Zenith de Paris. Les Three Trapped Tigers semblent beaucoup plus calmes que leur première partie mais leur musique est tout aussi torturée et incisive. C’est cette fois la guitare de Matt Calvert qui se prend au jeu du math rock avec une vitesse dans l’exécution qui donne le tournis. Elle est accompagnée d’un batteur donnant l’impression d’être totalement cool alors qu’il martèle un rythme impressionnant en passant sans transition de l’acoustique à des samples enregistrés. Des nappes de claviers font revêtir une texture krautrock et aérienne au son des tigres qui basculent parfois dans un synthétisme à tendance électronique qui parviendrait presque à nous faire danser si le tout ne semblait pas si aléatoire. Le second trio du soir s’approche du domaine d’Aphex Twin, mais en utilisant leurs instruments. Le synthé est souvent dissonant et libéré de ses obligations par rapport aux autres instruments, flirtant parfois avec le faux pour mieux martyriser le double décimètre déployé par la guitare ou la batterie. Tom Rogerson a pourtant une formation de pianiste classique et cela se ressent dans certaines mélodies qui sont néanmoins présentes puisque Three Trapped Tigers n’est pas que  fureur et animalité en cage. Les voix ne sont utilisées que pour des chœurs, sans aucun texte mais peuvent s’envoler dans des aigus en suivant le clavier. Quelques passages se feront néanmoins quelque peu indigestes, nous poussant dans l’incompréhension. Les morceaux évoluent lentement et on comprend la plupart du temps où les Anglais veulent aboutir au fur et à mesure de lentes déformations du son et de l’ajout de multiples résonnances entremêlant rock, electronica, minimalisme et crudité. Les Three Trapped Tigers sont généreux et prolongent leur concert jusqu’à plus soif avec en prime un long rappel qui réjouit un premier rang totalement imprégné par le show.

Nos oreilles n’ont pas vraiment été cajolées par cette soirée au Stimultania, mais les performances étaient dantesques et l’enchaînement des deux groupes assez bien vu tant la filiation est évidente. Des chevaliers et des tigres, ce n’était pas le Puy du Fou, mais le concert de retour de vacances a tenu toutes ses promesses.