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Chronique de disque
Trentemøller - Lost

10 octobre 2013
Rédigé par François Freundlich



Trentemøller - Lost

Sortie le 23 septembre 2013

Note : 4/5







Un beau jour, une nouvelle qui a fait clignoter toutes nos alertes est tombée. Un peu comme si la N.S.A. arrivait sur ce site en ayant lu les mots clés « Obama terrorist attack » et exprimerait son mécontentement par un « what the cat » soupirant. Nous étions au contraire emplis d’espoir en lisant cette liste de nos groupes fétiches : Low, The Raveonettes, Lower Dens, Blonde Redhead ou The Drums figurant sur le même album du Danois Trentemøller. Quel verdict pour ce casting de rêve ?

Un disque introduisant autant d’hôtes de marque pourrait décontenancer ou même se trouver être complètement incohérent. Nous sommes effectivement décontenancés, mais Anders Trentemøller a réussi sur ce disque à conserver une grande cohérence malgré une production riche, qui varie énormément entre des morceaux se répondant pourtant les uns aux autres. Leur côté hétéroclite est aussi marquant que leurs points communs sont nombreux, comme la présence de ces boucles synthétiques nébuleuses prenant le pas sur une rythmique sombre, robotique et angoissante. Le Danois s’est offert le luxe d’écrire les morceaux spécifiquement pour leurs invités, et ce avant même qu’ils acceptent d’y participer. Certains comme The Dream avec Low ressemblent réellement à l’intemporalité transcendantale du groupe américain. D’autres comme Deceive avec Sune Rose Wagner de The Raveonettes s’éloignent vraiment du shoegaze de ses compatriotes pour perdre cette voix monocorde sur des beats électro bizarroïdes. Lost est également un album très cinématographique, pouvant presque faire office de bande originale à la série télévisée du même nom, tant les ambiances y sont effrayantes et changeantes. Mais l’électronique est très justement complétée par des touches pop et analogiques très présentes, notamment grâce aux voix proposant des chœurs presque joyeux, tranchant avec les instrumentations.

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un album extrêmement complexe ayant nécessité des mois de travail en studio pour son auteur. Le résultat est impressionnant dès le départ avec la voix pleine d’intensité de Mimi Parker (Low) s’exprimant très paisiblement sur de lentes guitares tout en fragilité. On a l’impression d’écouter un titre de Low jusqu’à ce final  en langueur mystérieuse et frissonnante. La sereine Gravity introduit la voix lancinante de Jana Hunter (Lower Dens) sur des boucles de basses lourdes et un final très pop avec son rythme lorgnant du côté de Arcade Fire. Les titres instrumentaux sans featuring comme Trails s’excitent dans un électro post-punk cathartique torturé ou super dansant comme ces cinq notes de synthé et cette rythmique puissante sur Still On Fire. Ils alternent avec des titres bien plus calmes comme Candy Tongue, bercé par la douce voix de la Danoise Marie Fisker rappelant les essoufflements de Beth Gibbons.

La voix juvénile de Jonny Pierce (The Drums) s’adapte de manière surprenante à l’entêtante et nerveuse Never Stop Running. L’électro se fait épileptique avec les New-Yorkais de Ghost Society sur River of Life alors qu’une voix féminine et caressante nous piège encore et toujours. Les espaces sonores de Deceive avec le chanteur de The Raveonettes sont si vastes que l’on s’y perd, justifiant complètement le titre de l’album. Mais Trentemøller a gardé le meilleur pour la fin. Nous retombons sous le charme de Kazu Makino de Blonde Redhead et son organe suave, flirtant en permanence avec ses limites. Come Undone a de plus été enregistré dans une salle de bain, car la Japonaise était trop malade pour atteindre le studio. Cette version démo a finalement été conservée malgré son réenregistrement dans de meilleures conditions, qui n'avaient pas le charme de ce somptueux premier jet.

Malgré quelques passages comme l’intrigante Morphine, cet album nous a impressionnés par sa maîtrise symbolisée par la participation des meilleurs vocalistes actuels ayant tous répondu présent, pour ces titres écrits pour eux. Cette fusion des genres entre rock, musique électronique, punk, pop et le numéro un des charts de 2067 ; nous a éblouis. Voilà probablement l’un des albums les plus riches musicalement de cette année.