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Live-Report
Bonnie 'Prince' Billy - BBmix

28 novembre 2014
Rédigé par Florian Sallaberry

Le BBmix, festival à la programmation exigeante et de qualité, fête sa dixième édition. C'est souvent l'occasion d'assister à des concerts de nombreux grands noms de la culture alternative pour un budget plus que raisonnable (une dizaine d'euros) : Deerhoof, Dirty Projectors, M83, Why?, Swans, Ty Segall ou Lee Ranaldo ont notamment été programmés à Boulogne-Billancourt lors de ces dernières années. Pour sa première décennie, le festival s'offre le luxe d'inviter le très rare Will Oldham, pape de la folk. 

 

C'est dans une ambiance très studieuse (places assises, pas de boissons dans la salle) que la jeune Imaan s'installe sur la scène du Carré Belle-Feuille. Accompagnée d'un batteur, elle délivre des compositions folk rock dans une mouvance proche des morceaux d'Anna Calvi, sur lesquelles elle vient poser des paroles un peu naïves de sa belle voix claire et grave. Un peu intimidée, la jeune étudiante restera statique tout le long d'un set qui fut plutôt agréable.

 

Les deux membres du groupe suivant ont beaucoup plus de bouteille. Fusion de deux mondes, rencontre du batteur australien Jim White (ancien membre de Dirty Three, ayant collaboré avec Nick Cave ou PJ Harvey) et du joueur de luth crétois Giorgos Xylouris, Xylouris White marque un pont intéressant entre jazz, rock psyché et musique traditionnelle grecque. Les deux pépères, au look négligé-hippie, présentent une totale maîtrise de leurs instruments respectifs. Les morceaux évoluent entre douceur et violence, entre calme et tempête. Absolument hypnotisés par le jeu incroyable et la rythmique démente du batteur, nous voilà allongés dans un champ de Woodstock dans les années 1970, le son du duo évoluant vers un psychédélisme total et jouissif. Un peu étourdi, le batteur s'emmêle dans ses baguettes, les balançant aléatoirement autour de sa batterie, ce qui ajoute une note humoristique à ce moment rafraîchissant.

 

Les réglages pour la tête d'affiche de la soirée se font rideau fermé. Alors que nous pensons être en plein soundcheck, les lumières s'éteignent subitement, le rideau s'ouvre et Will Oldham et son groupe démarrent leur concert par une ballade country nous transportant au cœur de l'Ouest américain. Accompagné d'un batteur, d'un contrebassiste grognon-rigolo et de deux guitaristes, Bonnie 'Prince' Billy nous gratifie d'une musique qui en appelle à l'essence du folk, son origine. Actif depuis plus de 20 ans, sous différents noms (Palace Brothers, Palace Music...), Will Oldham a publié quelques albums acclamés par la critique et devenus cultes aujourd'hui. Plongé dans les racines de la musique américaine, le son du singer-songwriter sent l'arrière-pays américain, les longues routes désertes, les stations-essence abandonnées ... Will vient y poser sa voix fragile appuyée par les chœurs de ses guitaristes nous offrant de splendides harmonies vocales et de magnifiques contrechants. L'ambiance est plutôt détendue en particulier par les blagues et mots d'humeur de l'excellent contrebassiste qui interprète quelques chansons, dont une vieille ballade de cow-boy semblant provenir de l'arrière-salle d'un saloon. Le point d'orgue de la soirée reste l'interprétation de I See A Darkness et son refrain entêtant et addictif. Après une courte pause, les cinq compagnons reviennent pour nous offrir un dernier rappel pour un set génial qui aura duré plus d'une heure et demie.

 

Soirée dépaysante et inhabituelle au BBmix entre les débuts timides de Imaan, le psychédélisme savant de Xylouris White et la country émotionnelle de Bonnie 'Prince' Billy. Entre Boulogne-Billancourt, Australie, Crète et Far West, c'est un véritable voyage spatio-temporel.