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Live-Report
La Colonies de Vacances (Marvin, Papier Tigre, Electric Electric, Pneu) à Kingersheim

15 novembre 2015
Rédigé par François Freundlich

Cela faisait bien longtemps qu’on avait entendu parler de cette création atypique, La Colonie de Vacances, un nom qui rappelle des souvenirs de boums et de premiers baisers échangés, sur une plage etc. Ces vieux émois de première fois collent parfaitement avec ce qu’on a ressenti en voyant s’installer les groupes Marvin de Montpellier, Pneu de Tours, Papier Tigre de Nantes et Electric Electric de Strasbourg, tous ensemble, sur quatre scènes séparées formant un carré parfait encadrant le public.

Cela fait son petit effet d’être au beau milieu de quatre scènes, surtout après avoir débarqué au Hangar, la salle des fêtes de Kingersheim, « la ville du King » en alsacien, dans la banlieue résidentielle de Mulhouse, autant dire au beau milieu de nulle part. Pourtant nous voilà au beau milieu d’un fameux quelque chose : un bus magique avait même été affrété spécialement pour ce périlleux voyage. Les lumières s’éteignent : panique chez les claustrophobes. Nous voilà collé à une masse entouré de quatre batteries, cinq guitares, deux basses, trois chanteurs, sans oublier les quatre lightshows. Marvin fait face à Electric Electric quand Papier Tigre fait face à Pneu, qui sont pour l’occasion accompagné par Greg Saunier (batteur de Deerhoof) à la guitare (vous suivez ?). Nous non : on ne sait plus par ou regarder et on passe finalement la moitié du temps à observer la personne en face de nous qui regarde dans la direction opposée ou la personne à coté de nous qui regarde dans notre direction. Au secours. Dès les premières notes, on prend conscience de l’énormité de la chose : c’est fort et ça vient de partout à la fois. Certains se concentrent au centre du cercle (π x r²), d’autres font le tour des scènes, pas de jaloux. Le dénominateur commun étant que nos tympans se cachent comme une tortue dans sa carapace mais que nos yeux sont émerveillés par une telle audace, une telle idée novatrice et unique dans les musiques actuelles.

La première heure est consacrée à une pièce écrite par Greg Saunier pour La Colonie de Vacances, entre un math rock siphonné et une noise haletante. Les quatre batteries s’accordent et se répondent, les guitares saccadées s’enveniment avant de tout stopper pour mieux repartir, on se trouve rapidement la tête sous l’eau face à cette quadriphonie de foldingos, ce torticolis sonore. Greg Saunier lance les parties vocales, vite rejoint par la chanteuse de Marvin, qui ajoute quelques exaltations synthétiques derrières ses claviers et machines, puis par le chanteur de Papier Tigre et sa voix profonde qui joue les chœurs. Le son s’accélère comme une tornade tout autour de nous et inutile de vous dire ce qui se trouve au centre du vortex : les gens deviennent fadas et un mini mosh-pit se forme sur les passages les plus brutaux. Un ingénieur du son se trouve même au beau milieu en tentant de manier son Ipad sans le détruire. Les musiciens lèvent le bras pour se répondre, les lumières s’allument en stroboscope les unes après les autres, les batteurs jouent un quart de temps chacun sans discontinuer. On est tombé en plein rite exutoire d’euphorie collective. La pièce loufoque de Saunier s’achève et les groupes reviennent pour jouer quelques uns de leurs morceaux. On prendra un peu de répit sur le titre folk plus aérien de Papier Tigre, permettant à nos tympans-tortues de sortir leur tête. Puis le chaos reprend de plus belle : toutes les lumières s’éteignent et seul un lampion géant est lâché au centre de l’arène, oscillant comme un pendule et éclairant la mêlée. Vos paupières sont lourdes… leurs guitares aussi. Il ne manquait plus que de se faire hypnotiser pour que cette soirée soit parfaite.



Comment décrire un concert de La Colonie de Vacances ? Il s’agit d’une expérience artistique collective à vivre ou le public prend autant d’importance que les quatre groupes chauffés à blanc qui semblent s’éclater comme jamais. Les neufs gourous du soir disparaissent, nous laissant avec le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’inouï, d’extatique. On l’a fait. Notre première Colonie de Vacances ressemble à celle qu’on a faite à 12 ans dans un centre de vacances : on s’en rappellera longtemps.