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Live-Report
Adult Jazz + Hebronix - Le Point Ephémère

27 novembre 2014
Rédigé par Amandine Hénon

Ce mois de novembre n’en finit pas de nous ravir et de nous épuiser. Pour combler la grisaille ambiante, il semblerait que les programmateurs et artistes aient décidé de nous secouer et nous sortir de notre torpeur avec des concerts de haut vol. Ce soir, les berges du canal St-Martin accueillaient une soirée 100% UK.

Les side projects étaient à l’honneur à Paris ce vendredi ; si l’Espace B voyait The Proper Ornaments, groupe de James Hoare, guitariste de Veronica Falls, au Point Éphémère, c’est Daniel Blumberg, ex-leader de Yuck, qui assure la première partie.
Après l’aventure introvertie Oupa, c’est sous une nouvelle formation, Hebronix, que Blumberg nous revient. Exit le style rockeur à boucles indisciplinées et gueule de jeune rebelle : c’est le crâne rasé et le visage barré de culs de bouteille que l’Anglais se présente sur scène. Sans un mot, il s’assoit, empoigne sa guitare et démarre le set sur de grosses distorsions et dans une cacophonie qui présage que l’appréhension d’Hebronix sera bien moins immédiate que les mélodies rock punchy de Yuck. Des boucles entêtantes sont répétées ad lib. où juste quelques paroles viennent se poser avec parcimonie. La guitare est maltraitée et Daniel souffle comme un damné dans un harmonica que l’on entend à peine en arrière-plan ; l’ambiance se veut noisy et expérimentale. Cette approche semble enfin correspondre à la noirceur du personnage et malgré une musicalité décousue, dès que Blumberg chante, un vent de grâce souffle tant sa voix dégage de la pureté. Le premier morceau s’étirera sur plus de quinze minutes, ce qui nous place à mille lieues des hits standards qu’il proposait avec ses groupes précédents. Durant ce concert, qui ne présentera que trois morceaux, nous n’observerons aucun silence et l’expérience est totale. Malgré tout, cette dernière ne sera pas partagée par la totalité de l’assemblée puisque des bribes de conversations  se font entendre lors des instants plus calmes et viennent polluer la beauté du moment.
Un rapide « Thank you » suivit d’un vague sourire viendront conclure le set d’Hebronix. Sombre et torturé, Blumberg nous lance à la face son art dans le plus bel appareil et espérons que l’aventure dure plus longtemps que les précédentes.
Les spectateurs sont désormais plus nombreux, notamment les Anglo-saxons, pour accueillir les petits génies qui vont suivre. On avait laissé Adult Jazz au For Noise Festival, à Lausanne, en août dernier sur un sentiment de trop peu. En effet, les Anglais nous avaient fait forte impression mais, force était de constater qu’un set de festival était beaucoup trop court pour apprécier au mieux la finesse et la magie de leur musique.
La scène est aujourd’hui au moins quatre fois plus grande. Comme nous avions déjà pu le constater, dès les premières minutes, tout est en place, pas un réglage ou un faux pas ne vient perturber cette entame. Il est toujours aussi difficile d’imaginer que ces jeunes premiers aux visages d’adolescents sont capables d’aussi belles choses. Rapidement retentissent les premières notes de la splendide Springful, là où la voix du blondinet de chanteur prend tout son sens, devient un instrument à part entière qu’il maîtrise de la plus belle des manières. Et quand il s’agit de manipuler les instruments, chez Adult Jazz, personne n’est en reste et passer de la guitare au trombone ou à la batterie ne semble pas les perturber le moins du monde, même lorsque c’est en plein milieu d’un morceau. Entre compositions issues de Gist Is, premier album sorti plus tôt en 2014, ou titres inédits, on ne cesse de tomber de plus en plus irrémédiablement sous le charme. Bien que timides, les jeunes Anglais savent aussi faire preuve d’humour en annonçant avec ironie « Un autre de leurs tubes ». À la fois juvéniles et d’une maturité déconcertante, Adult Jazz mènent un set parfait et proposent un panel de genres et de styles magnifiés par la voix transcendante, à cheval entre pop et free jazz.
Souvent comparés à Alt-J, ils savent apporter en plus la touche de folie et d’inventivité qu'il manque désormais à leurs aînés. Ici, on serait plus proches d’Animal Collective pour le foisonnement d’idées et ces inspirations parfois tribales.

Cette soirée au Point Éphémère nous aura une nouvelle fois rappelé ô combien l’Angleterre pouvait engendrer des petits génies parfois trop méconnus. Souhaitons en tout cas à Adult Jazz un avenir radieux et un nouvel album ainsi qu’une prochaine tournée tout aussi jouissifs.