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Live-Report
The Divine Comedy & Lisa O’Neill à La Laiterie

07 février 2017
Rédigé par François Freundlich

On a rarement l’occasion de retrouver un groupe quinze ans après l’avoir vu pour la première fois, encore moins lorsqu’il s’agit de l’un des premiers concerts de sa vie. Souvent ils explosent en vol, ont des "incompatibilités artistiques", l’un veut faire de la pop, l’autre de l’électro-noisecore ou retourner en fac d’éco. Mais Neil Hannon et The Divine Comedy sont toujours là, même si on a tous un peu changé en quinze ans.

 

C’est l’Irlandaise Lisa O’Neill qui est chargée d’ouvrir la soirée, n’hésitant pas une seule seconde à nous propulser à la vitesse du son dans un pub brumeux de Galway avec sa folk d’inspiration traditionnelle. Elle nous conte de petites histoires, parfois rigolotes, parfois touchantes ou philosophiques, et n’hésite pas à en expliquer la signification, ce qui lui paraît primordial et du coup à nous également. On sait par exemple ce qu’elle ferait si Elvis apparaissait comme par magie dans sa cuisine (lui cuisiner un stew) ou la peur de mourir qu’elle a pu ressentir pendant un saut en parachute qu’elle a dû faire pour une bonne œuvre. Ce qui frappe avant tout, c'est l’atmosphère qu’elle impose immédiatement avec cette voix profonde et ce sourire radieux qui semble glisser sur un blues parfois mélancolique mais empli d’une énergie et d’un espoir communicatifs. Lisa nous a fait frissonner et rire pendant cette courte prestation qui nous a fait planer au-dessus de l’Irlande l’espace d’un instant, un trèfle dans chaque œil.

Un public de fans s’était déplacé pour les Nord-Irlandais de The Divine Comedy, largement acclamés à leur entrée en scène. Le fameux changement des quinze ans se fait immédiatement ressentir puisque c’est en costume que le groupe commence la prestation, Hannon arborant un gigantesque chapeau de Napoléon exagérant le loufoque de la situation. Le concert à Ajaccio n’est heureusement pas prévu au programme. Le début de concert est de fait essentiellement consacré à leur dernier album très orchestral Foreverland, fresque historique aux sonorités épiques tournant en dérision plusieurs personnages historiques. Si on est interloqués par la tournure pop orchestrale prise par le groupe, ou les guitares sont calmées par la voix sensuelle de Neil Hannon qui expire sur l'accordéon, on ne peut que s’extasier devant la perfection sonore qui s’échappe du groupe. Et pour cause, le dandy n’a cessé de préciser qu’il est totalement sobre ce soir, allant même jusqu’à chercher une boisson orangée à secouer dans son bar en forme de mappemonde. Il aura peut-être entendu certains échos d’autres concerts aux spectateurs déçus par un groupe légèrement trop imbibé. Cette fois-ci, c’est grand, c’est beau mais il n’y aura pas de folie comme le songwriter l’avoue lui-même. On préfère peut-être : pour notre concert de dans quinze ans.



Le pouvoir d’attraction de Neil Hannon est bien entier, avec ses mimiques et sa voix chaude et charnelle, nous voilà entièrement dévolus à sa cause. Il se changera finalement pour revêtir un classieux costume et passer en mode rock avec les tubes qui ont fait les heures glorieuses du groupe comme une excellente version de Bad Ambassador. On se souviendra également de la complicité de ce très beau duo sur fond de piano cabaret avec Lisa O’Neill sur Funny Peculiar, les deux chanteurs assis à l’avant de la scène : une vraie surprise sucrée. L’interlude folk se prolonge avec une intense version de A Lady of a Certain Age de Hannon en solo guitare voix. Les guitares sont davantage de sortie sur une fin de concert bien plus remuante, avec une version délurée et rock’n’roll de National Express qui nous aura fait danser comme des petits fous.
 

The Divine Comedy sont-ils devenus un groupe pour trentenaires dépressifs avec leur dernier disque, après avoir été ce nouveau groupé indé de notre adolescence ? Sûrement pas vu l’âge varié du public et le crescendo énergique déployé pendant ce concert qu’on a senti maîtrisé du début à la fin. Sans alcool (pour cette fois) mais avec l’expérience, on s’y est retrouvés, prêts à en reprendre pour quinze ans !


Photos de Patrice Hercay

The Divine Comedy & Lisa O’Neill à La Laiterie