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Live-Report
BRNS + PAON à La Laiterie

19 novembre 2014
Rédigé par François Freundlich

BRNS + PAON
La Laiterie, le 15 novembre 2014


La scène du rock indépendant belge semble être en perpétuel renouveau avec des groupes lançant des pavés dans la mare, tout en semblant avoir digéré l’expérience de leurs glorieux aînés. C’est le cas du quatuor bruxellois BRNS (à prononcer Brains). Précédés par leur réputation, ils attirent déjà de nombreux admirateurs pour leur premier passage à Strasbourg. Ils sont accompagnés par leurs amis de PAON, s’installant sur scène tout en décontraction pour la première partie. Les cerveaux de paons sont petits, mais là c'était plutôt grand.

La décontraction ne va pas durer puisque le groupe connaît rapidement quelques soucis techniques, un pédalier d’effet toasté, ce qui ne les empêchera pas de livrer un concert des plus accrocheurs. PAON s’affirme avec quelques pop-songs qui se retiennent immédiatement comme l’excellente Shine Over Me. Teinté d’un certain psychédélisme déviant dans les claviers et marqué par un refrain brillant, ce titre est bien le point culminant du concert. Si on dit que le paon bleu braille, la voix du chanteur elle, s’envole dans des aigus juvéniles plutôt bien sentis. On a néanmoins l’impression que le groupe n’est parfois pas très en place, manquant d’un certain bagage scénique. Mais ce qu’on a vu sur Luck Is Gone nous incite à le classer parmi les groupes prometteurs. Ils n’ont certainement pas inventé la roue mais savent comment s’en servir.

Brace, Brace, voici les BRNS qui s’installent, déjà acclamés par un public acquis à leur cause. Après une introduction rêveuse, le chanteur-batteur imprime une rythmique mathématique et puissante. Il est impressionnant de voir un batteur tenir la voix principale avec une telle maîtrise, quand on connaît la complexité d'allier les deux. Entre math-rock palpitant, instrumentaux post-rock déchirants et influences pop entêtantes, on ne saurait définir le style précis des Belges, qui semblent maîtres de leur propre nébuleuse. Si la batterie cognée avec force peut s’appuyer sur des sons de cloches-xylophone dispersés par le claviériste, les guitares peuvent compter sur une collection impressionnante de pédales d’effets. Ces effets semblent en évolution permanente, acheminant les morceaux là où on ne les attend jamais. BRNS nous perd dans des sonorités alambiquées, pouvant se lâcher dans des saturations au volume extrême, parfois aidés par un tournevis en guise de médiator, ou des mélanges harmoniques de voix à l’unisson. À l’inverse, les quatre peuvent forger un morceau à partir de l’union simple de quatre mélodicas, s’élevant dans un folk de feu de cheminée. On pense parfois à la noirceur de dEUS, mêlée à l’énergie de Foals saupoudrée d'Explosions in the Sky. Si on cherchait la symétrie française, on penserait aux Rennais de Mermonte, qui évoluent dans cette même recherche permanente d’évolution sonore. Leur fameux titre Mexico, extrait de leur EP Wounded, nous donnera quelques sueurs froides, poussant l’excitation à son sommet. Et que dire de ce rappel chaotique repoussant toujours plus loin les limites, un déploiement d’énergie restant dans une certaine subtilité et féminité qui leur sont propres.

La richesse et le foisonnement de la musique de BRNS nous ont frappés bien au-delà des joues. Elle s’inscrit dans une folle complexité tout en restant accessible à tous. Voilà certainement l’un des groupes les plus inspirés de l’année.