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Live-Report
Julien Gasc + Fantôme au Troc'Afé

24 janvier 2017
Rédigé par François Freundlich

Après des jours et des jours passés dans mon lit terrassé par la grippe, c’est décidé, ce soir je ressors de ma tanière. La météo -5°C, OSEF, BALEK, je ne m’en soucie guère ! Echarpe, bonnet islandais, gants rembourrés : c’est décidé, ce soir je met mon anorak je vais voir Julien Gasc.

À première vue, d’autres n'ont eu le même courage, terrassés ou refroidis, peu s'étaient déplacés pour voir l’auteur de l’un des meilleurs albums de pop français de 2016. Assis dans un coin du Troc’Afé muni d’une bonne Pietra, il est temps de s’émerveiller sur la première partie Fantôme, duo en harpe / batterie porté par la voix angélique et lumineuse de Josepha Mougenot.  La chanteuse et sa harpe magique parviennent à couper le souffle d’une audience entière en quelques notes à peine de ses mélodies capiteuses et scintillantes comme des flocons. Sa manière particulière de faire sonner les mots français donne parfois l’impression qu’elle change de langue en cours de route mais ses histoires spectrales nous saisissent pour ne jamais nous lâcher. Le genre de moments intemportels qui vous clouent au sol, où chacun est atteint d'immobilisme extérieur mais de bouillonement intérieur. 


C'est au tour de Julien Gasc d'entrer en scène, accompagné de son groupe dont le guitariste et le bassiste tout deux britanniques auront quelques peines à comprendre les blagounettes qui essaimeront la prestation. Le son qui s'échappe de ce quatuor est un parfait mélange entre variations vintage d’un orgue crépusculaire à vortex temporel alternatif, un pedal steel guitar qui apporte une touche bluesy délicieusement laid-back et une basse hypnotisante qui se taille la part du lion en dominant la mélodie. Julien Gasc est parfois connu pour évoluer au sein du projet Aquaserge et a collaboré sur son dernier disque avec Laetita Sadier ou Syd Kemp. Sa voix nonchalante, avec ce chant en français, impose une classe semblant écarter d’un revers de bras la répulsion aimantée que peut avoir cette langue avec certaines sonorités de la pop. C’est toujours gonflé de chanter en français avec de telle influences anglo-saxonnes, l’homme le reconnaît lui-même en admettant avoir d’abord voulu n’écrire son album qu’en anglais, tandis que d’autres vont jusqu’à jeter leurs compositions parce qu’ils n’arrivent pas à y adapter le français. Mais là, tout coule dans le moule : l’élégance de Stereolab, le psych-pop de Tame Impala dans lesquels trempent la biscotte de Michel Serrault. Cette capacité à réciter des textes parfois mélancoliques sur des instrumentaux joyeux comme sur le titre Canada, parlant de son grand-père, nous absorbe pour ne nous laisser que béat. Julien Gasc sait prendre son temps, n’oublie pas de faire une ôde au farniente et à l’oisiveté, ni de s’énerver sur des développements noisy voyant l’orgue s’enrayer sur une guitare dissonante. Il va même jusqu’à passer en mode punk originel d’une efficacité Buzzcocksienne. Le groupe termine avec reprise de SparksNumber One Song In Heaven, un tube disco de 1979, francisé pour l’occasion en Chanson Numéro 1 au paradis et repris en chœur par l’ensemble de l’assistance. Julien Gasc nous a ému et remué pour ce concert d’une variété surprenante qui aura marqué les esprits. 
 

Après cette soirée raffinée, plus aucune trace de grippe en vue. C'était bien la peine de stocker mon poids en Vicks Vaporub.