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Live-Report
En Attendant Ana + The Villejuif Underground + Monotrophy + Veik + Société Etrange au Molodoï

01 mai 2018
Rédigé par François Freundlich

C’est une soirée alléchante que nous a préparée le label October Tone dans la salle strasbourgeoise du Molodoï, enchaînant plusieurs des meilleurs groupes de rock hexagonaux du moment. Pour la release party des Lyonnais de Monotrophy, on commence assez tôt en ce lundi printanier, puisqu’il y a du monde à patienter au balcon.

 

Les premiers à s’installer sont nos chouchous du moment, les Parisiens de En Attendant Ana venant tout juste de sortir leur premier album, Lost And Found, chroniqué dans ces pages. C’est avec une impatience non dissimulée qu’après nous être procurés le vinyle de toutes les convoitises, nous nous installons au premier rang pour remuer face à leurs mélodies pop acides. Le quintet fait honneur au grand disque dont ils viennent d’accoucher, puisqu’on retrouve le bonheur frénétique s’échappant de leurs compositions dans ces adaptations live. La prestation est l’occasion de redécouvrir certaines pépites, comme This Could Be avec ses synthés vintage affolés et son final euphorique répété par la chanteuse Margaux, « This could be the end ». Le secouage de tête est aussi intensif que le phrasé est dithyrambique. La trompette qui résonne sur pratiquement tous les titres apporte ce côté organique rafraîchissant. La trompettiste Camille ajoutera également ses chœurs sur le duo vocal féminin enivrant (Not) So Hard. Un autre duo nous émeut sur ce joli titre indie rock à la tendresse touchante, Why Is Your Body So Hard To Carry?, avec le guitariste à mimiques Romain. On n’oubliera évidemment pas les morceaux que l’on écoute en boucle depuis plusieurs jours, dont l’excellente Night et son refrain légèrement dissonant qui fait frétiller du museau. De la brit-pop écossaise à la joie de vivre québécoise, il n’y a qu’un pas avec des titres irrésistibles comme I Don't Even Know Your Name. Le dernier titre est arrivé très vite, puisque les groupes vont devoir s’enchaîner : The Violence Inside impose une power pop majeure qui fera esquisser ses premiers pas de danse au public.

Well if you fall for them, that’s totally normal.

La folie sans limite prend sa place dans cette soirée avec l’arrivée sur scène du Villejuif Underground et son chanteur pouvant se rouler à vos pieds ou s’accrocher au plafond à tout moment. L’Australien Nathan à la voix grave s’inspire effectivement du phrasé de Lou Reed pour accompagner la bande de Frenchies faisant osciller synthé et guitares psychédéliques torturées. Sur une basse laid back, une certaine lenteur jaillit de ce quatuor à l’attitude nonchalante qui disperse pourtant de l’électricité nerveuse sur ses instrumentaux prolongés. Pendant ce déferlement, Nathan traverse la salle pour se retrouver à chanter à l’extérieur de la salle, ou grimpe sur le balcon, hésitant à se servir du câble qui traverse les lieux comme d’une tyrolienne avant de se raviser par sagesse. À tenter sur une dernière date de tournée, peut-être. En tout cas, notre tote bag avait certainement le meilleur spot de la salle pendant le titre chanté couché par terre à nos pieds. Leurs lentes oscillations psyché donnent envie de se mouvoir de la manière la plus lente possible, même si leur prestation se veut captivante. Leur coolitude de glandeur/slacker rappelle parfois les Black Lips sous Ritaline. Le tout coule tellement idéalement qu’on se croirait sous les cocotiers à siroter un lait d’amande amer au gin zen. Le Villejuif Underground est bien aussi barré que leur nom de groupe le laisse entendre. L’ambiance est posée.

Le duo lyonnais Monotrophy entre en scène pour nous hypnotiser avec sa krautrock répétitive endiablée. Venant de sortir sur le label October Tone leur disque Micas, un guitariste et un batteur bouillants font vibrer les murs du Molodoï de leurs deux instruments dévastateurs. La rythmique est binaire et répétitive, faite de boucles censées nous mener à la transe, évoluant lentement vers un final apocalyptique où la batterie s’accélère jusqu’à plus soif. Les deux musiciens se font face et n’hésitent pas à partir dans l’improvisation au gré des vagues, on sent qu’ils sont dans leur trip même si on se sent parfois laissés en dehors de leur bulle de savon acide. On pense évidemment à Can dans ces longues évolutions instrumentales qui se font et se défont sur des titres dépassant allègrement les dix minutes. Trois morceaux en tout ont d’ailleurs été joués pendant le show. Le cerveau est pris à parti, les hypnotiseurs nous contrôlent et nous partons avec eux. Le retour sur terre est douloureux tant la montagne est haute.

Les Normands de Veik sont ensuite chargés de cultiver la dynamite avec leur kraut-noise éblouissant, avant que Société Étrange n’achève les derniers guerriers toujours sur le terrain. La soirée fut dense, danse et émotionnante, passant de la joie à l’angoisse en un rien de temps.