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Live-Report
The xx + Kelela au Zenith Europe

22 février 2017
Rédigé par François Freundlich

C'est le grand retour des Anglais The xx avec la sortie de leur troisième album I See You et une tournée française qui passait par le Zénith Europe de Strasbourg. On attendait de pied ferme ce groupe aux deux premiers albums parfaits et qui a pris un virage électro avec l’envol de son DJ Jamie xx devenu star des nuits électro. La première partie est assurée par l’Américaine Kelela qui entre en scène accompagnée uniquement de son DJ.

 

Kelela annonce qu’elle proposera un set de musique R’n’B et demande au public de garder l’esprit ouvert étant donné le style quelque peu différent de la tête d’affiche du soir. Avouons qu’elle a su séduire un public pas forcément acquis à sa cause avec une fraîcheur qu’elle est parvenue à insuffler dans ce style souvent usé jusqu’à l’os. Bien sûr, la production est imposante avec de lourds beats et de la reverb à tout va, mais elle inclut des influences d’électro minimale rappelant justement Jamie xx, comme sur son single Rewind. On pense notamment à M.I.A. ave cette voix haut perchée et lisse comme de la soie. La chanteuse de Washington précisera qu’elle se situe du « bon » côté de la ville, malgré les graves événements qui s’y passent en ce moment. On remarque de plus en plus d’artistes américains se sentant désormais obligés de s’excuser pour l’attitude de leur pays. Malgré quelques faux-pas comme ce toussotement dont elle semble avoir du mal à se remettre, on passe un bon moment avec Kelela dont la performance se serait mieux prêtée à un lieu plus confiné.

C’est au tour de The xx de s’enflammer et le groupe a sorti l’artillerie lourde. L’installation est impressionnante, à l’opposé du minimalisme du groupe, tout comme ce son parfait qui s’installe dès leur entrée en scène sur Say Something Loving. D’énormes miroirs réfléchissants installés sur des blocs lumineux tournent sur eux-mêmes à l’arrière de la scène, tandis qu’une plaque géante mobile se déplace autour d’eux, permettant d’apercevoir le travail de DJ de Jamie en regardant vers le haut. Le concert s’annonce à la fois planant et débridé, faisant la part belle aux meilleures compositions du trio accompagnées d’une mise en scène qui nous en met plein les yeux. Au bout du premier titre, nous sommes déjà conquis, même s'il en faudra quelques-uns pour entrer réellement dans le concert, le temps que Jamie se chauffe et s’acoquine de ses beats les plus saillants. En attendant, le ravissement de Crystalised et autres tubes font mouche face à un public de fans de tous les âges. On a rarement vu un tel mélange de 16 à 50 ans, les plus jeunes connaissant peut-être davantage Jamie en solo.

 

Les Anglais mélangent sans ménagement les titres de leurs trois albums, du « I am yours now » en lévitation de Islands et ses basses vibrantes aux chœurs angéliques jusqu'à Lips, s’imposant puissamment au milieu d'une quiétude attentive frappante dans un tel lieu géant comme le Zénith. The xx parviennent à imposer leur minimalisme rêveur grâce à des voix qui se mélangent toujours aussi idéalement. Tout n’est pas perfection évidemment et c’est bien cela qui sauve le concert de la léthargie : on sent le groupe fébrile, stressé, préférant largement l’exercice du studio à celui de la scène. Mais lorsque la mécanique déraille, Jamie est là pour rattraper la cadence. Certains trouveront leur compte sur les passages pop, d’autres sur l’électro, d’autres sur les lévitations vocales.

Et puis il y a Romy Madley Croft. On se rappellera longtemps de cette interprétation seule en guitare voix sur Performance, la voix lumineuse emplie de mélancolie caressante malgré cette appréhension palpable, dont elle fait part avant de se lancer. Le trio propose également une reprise minimale de Drake avec Too Good dans un torrent lumineux se réfléchissant sur chaque miroir de la scène. Le titre achève le passage le plus calme du show pour laisser place à l’eurodance de A Violent Noise et ses claviers aux allures de tubes de discothèque : on sent bien que Jamie s’impose de plus en plus sur la seconde moitié du concert, déchaîné derrière son pupitre transparent, passant sans ménagement d’une machine à l’autre. Le crescendo jubilatoire de Infinity et ses « I can’t give it up » donnent au groupe une occasion en plus de s’exciter pour un public qui réagit en conséquence alors que Romy et Oliver terminent les guitares entremêlées et les têtes sur l’épaule de l’autre, au beau milieu de la scène. L’occasion d’enchaîner sur un autre tube, VCR, qui fait sourire et fredonner en chœur les fans. Les cuivres de Dangerous qui ouvrent le dernier album prennent une autre dimension grandiloquente et héroïque en live pour faire danser le Zénith alors que la partie électro du set se poursuit avec Fiction et Shelter, pour s’achever sur une reprise de l’album solo de Jamie XX, Loud Places, voyant le groupe progressivement quitter la scène sans pour autant stopper le son.

Le rappel verra s’enchaîner le single On Hold et son fameux refrain repris d’un tube de Hall & Oates avec le tout premier titre de leur premier album Intro, cet instrumental planant qui fait toujours plaisir à entendre. The xx termine sur la toujours bouleversante Angels, s’achevant sur les trois mots « love love love » repris en chœur par la foule. L’amour flottait bien sur Strasbourg avec cette communion atteinte par le groupe et son public aux anges qui acclamera le groupe durant de longues minutes. Cette performance réjouissante fut des plus convaincantes, le groupe ayant trouvé le juste milieu entre la diversité d'influences qui les habitent tout en conservant ce son XX inimitable. L'un des groupes les plus importants de la décennie continue donc son parcours sans faute.