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Live-Report
Tricky à La Laiterie

05 janvier 2014
Rédigé par François Freundlich

Tricky 
La Laiterie, 11 décembre 2013



L’un des précurseurs du trip-hop, Tricky, a entamé en cette fin d’année une énième tournée française. Il était de passage par La Laiterie où ses fans l’attendaient en nombre. Vu son état d’excitation sur scène, nul doute que son show s’annonçait comme mémorable.

Tricky et son groupe évoluent dans le noir, simplement éclairés par quelques spots en contre-jour. On a du mal à l’apercevoir sur les premiers titres, mais le Bristolien déploie sa voix sombre et suave en alternant des passages graves et parlés avec des refrains enlevés, accompagné par sa choriste à la chaude voix soul. Sa jambe tremblante nous interpelle, laissant à penser que Adrian Thaws semble être vraiment dans son trip. Mais en voyant son visage amaigri et son corps cadavérique, on imagine que ce trip est bien plus acide qu’on ne le pense. La prestation est néanmoins irréprochable, débutant dans la quiétude de cinq premiers titres piochant à chaque fois dans ses différents albums mais s’enchaînant pourtant parfaitement bien. La rythmique se fait pesante, dans ce slow motion trip-hop, à l’image de Puppy Toy et ses aspirations jazzy. Mais soudain tout bascule avec la reprise de Motörhead, Ace of Spades. Le riff de guitare se fait brutal et lourd tandis que le tempo s’accélère, rythmé par des cuillères de bois. Quelques membres d’un public surpris par l’apparition de ce titre, pourtant attendu, si tôt dans le concert parviennent à monter sur scène pour danser avec Tricky, qui prend sa place de frontman déluré, micro en main au centre de la scène. Ce premier moment d’excitation général a le mérite de nous faire entrer davantage dans le concert en passant d’une ambiance mystérieuse à une folie générale.

Le concert reprend ensuite comme il avait débuté, avec un trip-hop rappelant les sommets du genre, de Massive Attack à Portishead, mais avec cette attitude et cette touche funky qui transpire de temps en temps, nous rappelant Prince. Tricky nous gratifiera du premier titre de son premier album culte Maxinquaye : Overcome. L’interprétation originale de Martina Topley-Bird est remplacée par celle de Francesca Belmonte avec une prestation convaincante puisqu’elle assure une grande part des parties vocales. Overcome sera enchaînée avec le single aux sonorités hip-hop du dernier album : Nothing Matters, faisant le lien entre dix-huit ans de carrière pour des compositions toujours aussi marquantes. L’homme aux tatouages est quant à lui occupé à diriger son groupe comme un chef d’orchestre à la seconde près, ne laissant rien passer lorsqu’il veut qu’un synthé se lance ou qu’une batterie soit plus douce. Il doit être compliqué de se produire avec ce perfectionniste mais le son produit s’approche effectivement d’une certaine perfection. Entre deux reprises des Breeders (Do You Love Me Now?) et de Public Ennemy (Black Steel), Tricky terminera dans la fosse avec le public, clamant de toute sa rage ses textes pour une fin de concert bien plus électrique. Les guitares prennent les devants alors qu’une grande partie du public a rejoint la scène pour y danser. L’échange entre Tricky et son public est total : l’énergie est autant palpable dans le son que dans les mouvements de l’Anglais ou de ceux de ses fans. La sécurité a bien essayé de faire descendre l’un ou l’autre, Tricky les en a empêchés en les attrapant par l’épaule. Le concert se termine dans cette ambiance bon enfant et définitivement rock’n’roll.

Une prestation de Tricky en salle est forcément à vivre, elle ne reflète pas celles vues auparavant en festival car la convivialité et le partage y sont bien plus présents. Tricky ira d’ailleurs rejoindre le bar de La Laiterie et faire la queue pour commander sa bière comme à son habitude. Il discutera avec son public le plus simplement du monde, avec une coolitude infinie. On espère qu’il ne fera pas trop d’excès pour pouvoir revoir pendant longtemps ses lives enflammés. 


Photos de Eric Schneider