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Live-Report
Laetitia Sheriff au Stimultania

05 décembre 2013
Rédigé par François Freundlich

Lorsque l’on jette un œil au dernier EP en date de Laetitia Sheriff, ou que l’on se balade sur sa page sur un célèbre réseau social, on la voit en train de poser tranquillement avec un gros chat jaune (et un alien, ce qui est en l’occurrence moins pertinent). C’est donc en terrain conquis que nous nous sommes rendus à une date de sa pré-tournée, juste avant la sortie d’un nouvel album s’annonçant d'ores et déjà comme excellent.

Pour cette tournée marathon de quelques jours aux quatre coins de la France, la Rennaise est cette fois encore accompagnée par Nicolas Courret, batteur d’Eiffel, ainsi que Thomas Poli, guitariste et claviériste évoluant avec Dominique A, Montgomery ou Yann Tiersen. Le power trio s’installe dans la galerie d’art du Stimultania pour présenter de nouveaux morceaux ainsi que quelques anciennes pépites que l’on a toujours plaisir à réécouter. Si le concert est lancé dans une classique formation guitare, batterie et Laetitia à la basse, la géométrie aura par la suite tendance à devenir isocèle, voire carrément sinusoïdale. Nous voilà envoutés par la voix grave et chaude de la rockeuse, entre un phrasé chanté et parlé rappelant parfois Kim Gordon (Sonic Youth). Les guitares se font tendues et divagantes, s’évadant hors des cadres grâce à l’électron libre Thomas Poli, qui cassera une corde dès le premier titre Where’s My I.D. Cela ne l'empêchera pas de jouer de son instrument avec une baguette de batterie par la suite. Laetitia y trouve L’occasion de faire la conversation pendant cet ajustement, nous racontant le début de leur tournée de Caen à Paris jusque dans le loft mulhousien.

Si les morceaux démarrent dans la douceur de quelques cordes graves frottées en boucle comme sur Roses, ils évoluent vers des passages plus cradingues, à mi-chemin entre un rock garage dissonant et la subtilité d’une pop qui rattrape l’ensemble dans son épuisette. Cela n’empêche pas la batterie de Nicolas de conserver son énergie punk mise en avant par ces « poum-poum-tchak » bien connus du monsieur. Thomas passe finalement derrière ses claviers vintage pour étendre quelques nappes synthétiques alors que Laetitia s’empare de sa guitare. Il fait dévier le son vers des atmosphères krautrock, penché en avant sur son instrument comme pour mieux en libérer toute sa substance, tandis que la chanteuse fait glisser son médiator sur ses cordes de manière saccadée. L’instant magique du concert restera ce nouveau morceau To Be Strong, qui s’annonce déjà comme un futur titre phare de l’album. Laetitia Sheriff déclame un texte poignant tout en fragilité dans un simple guitare voix avant que la batterie ne s’empare de cette émotion pour n’en faire qu’une bouchée et l’écraser contre les murs de la galerie. Le morceau se terminera dans un déchaînement électrique et quelques cris saisissants. Le final sur Far a Wide sera entièrement synthétique, Thomas jouant sur deux claviers et Nicolas sur un troisième pour un set nous surprenant jusqu’à la dernière note.

Laetitia Sheriff et ses deux acolytes sont attendus de pied ferme avec ce nouvel album, si les versions studio sont à la hauteur de ce que nous avons pu entendre ce soir. Sa voix si maîtrisée nous a en tout cas marqués, on y a bien ressenti ce supplément d’âme qui vient certainement avec l’expérience de ses différents projets. Nous la suivrons en tout cas avec attention. 



Photos de Patrice Hercay