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Live-Report
Lanterns On The Lake à La Flêche d'Or

31 janvier 2014
Rédigé par François Freundlich

Lanterns on the Lake
La Flêche d'Or, 28 janvier 2014


Il est des groupes qui mériteraient d’être écoutés par tout le monde tant leur musique est intemporelle, inspirante et tout simplement belle. Mais le monde n’est jamais parfait et c’est dans une salle de la Flèche d’Or peu remplie que les Anglais de Lanterns on the Lake, qui ont signé deux albums sans faute, se produisent pour leur unique concert en France.

Les cinq de Newcastle sont néanmoins applaudis à leur entrée en scène par les quelques fans dont on est surpris du nombre si confidentiel dans une ville comme Paris. Cela ne les empêchera pas de livrer une prestation à la hauteur des espérances et de leurs compositions de haute volée. La belle Hazel Wilde s’installe au clavier pour une introduction toute en douceur sur Picture Show dans un piano voix à peine relevé par les premiers échos électriques. La voix vaporeuse nous égare dans une dimension parallèle sur ces « I’ll never sleep again » qui lancent d’entrée de jeu l’enchaînement de frissons de la prochaine heure. La première déflagration shoegaze tranche subitement cet instant de douceur avec le titre Elodie qui augmente subitement le volume pour faire vibrer les tuyaux en cuivre de la salle. Paul Gregory se déchaîne sur sa guitare électrique, s’imposant comme le point central du son du groupe. Il est le pendant excité d’Hazel, qui dissémine son piano studieux et sa voix glaciale sur ses passages flottants. Le groupe alterne les morceaux de ses deux albums, tandis qu’on s’attarde davantage sur le violon de Sarah Kemp avec A Kingdom, où Hazel prend finalement sa place au centre de la scène, guitare acoustique en main. Ce violon possède une sonorité très spécifique à Lanterns on the Lake, avec des arrangements qu’on ne retrouve que très rarement pour ce genre de groupes aux aspirations électriques. Il sera parfois accompagné par l’archet de Paul Gregory qui parviendra à transformer sa guitare en un violoncelle métallique pour un duo de cordes déchirant. Cet archet sera souvent utilisé sur sa guitare électrique, nous faisant parfois penser à la puissance de Sigur Rós. La pépite Ships in the Rain est interprétée en début de set, comme un îlot perdu, soufflé par cette voix chavirante laissée nue, à peine soutenue par quelques échos lointains et électrisants.

Le premier single du dernier album en date, la fabuleuse Another Tale From Another English Town, prend la forme d’une folk-song lumineuse parfaite : la cohésion entre les guitares d’Hazel et Paul y trouve son paroxysme. Le piano y remplace la basse pour colorer d’un arc lancinant les « We don’t wanna fight, we want a quiet life » qui s’y enroulent à l’infini dans un final relevé par quelques maracas et grelots. The Ghost That Sleeps In Me est timidement dédicacé par Hazel aux personnes jouant dans un groupe pour une ballade rêveuse aux chœurs classiques qui explosent dans un exutoire fou aux accents post-rock. Ces éruptions cosmiques reviendront plusieurs fois dans un concert qui navigue en permanence entre cette sérénité hérissante et ces détonations jubilatoires marquées de tout leur poids par une batterie orageuse. La folk de The Buffalo Days nous ramène sur terre : la voix d’Hazel y glisse sur un délicieux violon bucolique à souhait prolongé par un harmonium. Lanterns on the Lake nous fait le cadeau d’un ancien titre, une B-side de leur EP Lungs Quicken : la fragile Sapsorrow pour un instant de pure grâce. La première partie du concert s’achève sur un magique piano – voix de Hazel avec Not Going Back To The Harbour, qui retiendra le souffle de la salle entière, alors que les quatre autres membres du groupe s’assoient sur scène pour profiter de cet instant rare et beau. Le groupe ne sort pas de scène, précisant qu’il trouve ce système de rappel incongru et entame directement l’entraînante Until The Colours Run. Le titre donne envie de remuer sur ses joyeuses montées de violon qui reprennent les parties piano de la version studio. Les Anglais nous disent finalement au revoir avec une bouleversante version de I Love You, Sleepyhead à nous humidifier les yeux jusqu’à la dernière touche de piano.

Lanterns on the Lake nous aura fait passer par tous les états émotionnels dans des interprétations grandioses de compositions qui le sont tout autant. Nous tenons là un grand groupe de studio comme de scène, qui mériterait d’avoir bien plus de fans connaissant ses textes par cœur. Nous nous sommes sentis un peu seuls sur ce point, mais le plaisir de les voir dans ces conditions parfaites l’aura emporté.