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Live-Report
BEAK> - Le Petit Bain

10 juillet 2015
Rédigé par Amandine Hénon

Même si nous ne vous referons pas le paragraphe météo d’usage, il semblait tout de même intéressant de rappeler qu’en ces périodes estivales, encore plus que de coutume, il fait bon passer une soirée à Petit Bain. Première étape : faire en sorte d’arriver deux heures plus tôt que l’ouverture des portes afin de profiter de la terrasse ensoleillée ou du pont donnant sur la Seine, en sirotant un verre de vin. Deuxième étape, ressourcer les batteries en grignotant afin d’être en possession du maximum de nos ressources pour une soirée qui promet le meilleur.
Vous l’aurez compris, c’est sous les meilleures auspices, affichant quasi complet, que notre soirée BEAK> s’annonçait ce samedi.

Le set d’ouverture, assuré par No Drum No Moog, trio français, ne soulève pas la foule, la faute à ce foutu soleil qui aura raison de la musique en ce début de soirée. Si les morceaux manquent parfois d’une impulsion franche, leur vision personnelle de la musique électronique peut être saluée.
La suite des réjouissances est une autre histoire : là où, quelques minutes auparavant, la salle était à moitié déserte, le public compact fait bloc pour accueillir le revival krautrock de BEAK>.
Pour aider à remettre dans le contexte ceux qui ne seraient pas familiers des Anglais, BEAK> détestent qu’on les réduise à un membre, certes un poil plus connu que ses compères ; alors en effet, l’un d’entre eux, Geoff Barrow, musicien génialissime de Bristol, a pour side project un grand nom des 90’s avec sa copine Beth Gibbons, Portishead. Voilà, c’est dit, on ferme la parenthèse qui n’a pas lieu d’être développée ici. Car limiter le groupe à ce seul membre serait une grave erreur, comme en atteste le concert de ce soir. Matt Williams et son génie cosmique, que ce soit à la guitare ou au clavier, et Billy Fuller et son jeu de basse à faire vibrer n’importe quel être humain relégués au second plan, c’est dire le niveau du trio. D’ailleurs à Petit Bain, personne n’est là par hasard ou par nostalgie du trip-hop d’antan.
Aujourd’hui, donc, place à la reconstruction et à la répétitivité. Barrow n’étant pas du genre à se mettre en avant, il occupe la droite de la scène, à moitié caché par sa batterie. Jeans et tee-shirts noirs pour les trois Anglais, la sobriété est de mise et l’humilité sera elle aussi un point à souligner. Matt Williams, tantôt aux claviers ou à la guitare, semble, comme nous, hypnotisé par les créations du groupe, qu’il transcende. Billy Fuller, assis au milieu de la scène, fait vibrer sa basse et donne à BEAK> l’essence même de son monde peuplé de lourdeurs, de répétitions, de batterie métronomique. La voix de Barrow, bouffée par les reverbs, vient  se superposer au krautrock dégueulasse et malsain. Leur goût pour le son live permet de sublimer leurs compositions et l’immédiateté des titres vient nous frapper de front. Difficile de ne pas suivre le trio dans ses pérégrinations tant le set est addictif.

Vidé de tout superflu, animé par les rythmes primaux, semant un brouillard intense, BEAK> auront réussi, pendant près d’une heure et demi, à nous emmener dans un garage de Bristol, nous enfumant de leur krautrock 2.0, revisité à la sauce 2015, déstructurant les fondements pour mieux présenter leur vision de la musique, loin des standards actuels.