Webzine indépendant et tendancieux

Live-Report
Festival des Artefacts : J.C.Satàn, Grand Blanc, Von Pariahs, The Dizzy Brains

24 juin 2016
Rédigé par François Freundlich

Le Festival des Artefacts est de retour à La Laiterie, avec cette année un petit décalage dans la date : passant d’avril à juin, peut-être pour coller aux dates de tournée d’été des groupes. Cet événement qui ouvrait traditionnellement le bal des festivals s’ouvre dorénavant en début d’été avec une soirée à La Laiterie dédiée aux groupes de rock français parmi les meilleurs du moment, mais aussi un invité malgache.

Le groupe The Dizzy Brains, repéré aux Transmusicales de Rennes en 2015, ouvre la soirée dans la petite salle du club. Ce quatuor délivre un punk rock brut et incisif rappelant les groupes de rock classique les plus enflammés comme Iggy Pop & The Stooges, leur charismatique leader n’est d’ailleurs pas sans rappeler un certain lézard dans ses mouvements et ses mimiques. La différence se trouve dans les inspirations de musique de Madagascar avec un chant en malgache sur certains titres revendicatifs contre la politique du pays et la misère qui y règne et dont ils sont les victimes. Le set est d’une énergie folle avec des riffs de guitares incisifs en boucle et un batteur cogneur. Le chanteur Eddy à la voix éraillée et ses frères sont également hyper expressifs avec des danses épileptiques, des têtes aux yeux exorbités et des muscles aussi tendus que les cordes des guitares. Voilà un vrai groupe de live certainement promis à un avenir tout tracé.



Les auteurs de l’un des meilleurs disques français de l’année sont attendus sur la grande scène : les Messins de Grand Blanc n’avaient curieusement jamais joué dans cette salle voisine et vont se rattraper avec une prestation foudroyante. Après une introduction planante, la chanteuse Camille entame le fameux titre Degré Zéro de sa voix effrontée et désabusée, sommet de new wave avec ses paroles qui s’incrustent en tête et ses descentes en « élan de l’âme, élan de la mélancolie ». Le début du set voit s’enchaîner les titres de leur fameux premier EP comme L’Homme Serpent et son post-punk qui se les caille. Leurs textes si bien écrits sonnent de manière assez unique dans la manière de chanter le français, un peu comme si les sonorités importaient plus que les mots, à la Pixies ou plus hexagonalement, à la Eiffel. Benoît reprend le lead vocal avec sa voix parlée si serrée rappelant Gainsbourg pour la chanson foot du set : Petite Frappe et son synthétisme aux échos fluctuants. Les nouveaux extraits de l’excellent dernier album Mémoires Vives ne sont pas oubliés avec le single Surprise Party, sorte de tube épileptique kraftwerkien en puissance diaboliquement envoûtant et dansant. La puissante Bosphore et ses résonnances à la The Cure s’étendent tout en puissance, augmentant le volume à son maximum. Verticool inverse les abscisses et les ordonnées, en symbole de la variété dans le son de Grand Blanc entre nonchalance de la voix et beats métronomiques. On remue une dernière fois sur les libérations jouissives de Samedi La Nuit avant d’acclamer cette fraîcheur qu’apporte le quatuor sur la scène actuelle. Peut-être le futur groupe phare qui nous manquait.

Les six Nantais de Von Pariahs enchaînent directement sur la petite scène avec un set reprenant la majorité de leur très bon dernier album en date, Genuine Feelings. À l’image de l’évolution de ce disque par rapport au premier, le concert fait la part belle à un son plus crade et électrique qu’auparavant, avec des influences 90’s comme Ride. Leur charismatique leader britannique Sam Sprent est intenable, gesticulant sur la scène comme un beau diable et allant même jusqu’à enlacer des personnes du public lorsqu’il descendra de scène pour nous rejoindre. Les fameux tubes de l’album Hidden Tensions ne sont pas oubliés : Someone New et son refrain dramatique ou l’entêtante Skywalking  sonnant déjà comme des classiques. Von Pariahs a intégré une part de subtilité plus importante dans ses morceaux, comme sur I Want Her, qui fait partie de ces nouveaux titres lorgnant vers une brit-pop plus caressante et moins rentre-dedans que leurs premières livraisons. Le groupe a fait honneur à la réputation de bête de scène qui leur colle à la peau. Il semble en tout cas que les Von Pariahs se sont rendus plus accessibles tout en gardant leur énergie punk : un alliage compliqué mais réussi.

Pour terminer la soirée, la tête d’affiche du soir n'est autre que les excentriques J.C.Satàn. On croyait s’être décrassé les oreilles avec cet enchaînement, c’était sans compter sur ces diables (dans ce cas précis, cette expression est autorisée). Le son de guitare est grave, lourd et lancinant, nous prenant intégralement organe par organe. Entre solos dissonants de guitar hero à la sauce USA BBQ ribs et longs déchaînements instrumentaux entrecoupés de quelques passages vocaux légers ou criards de la chanteuse, les Bordelais n’ont pas inventé la dentelle. Lorsque leur garage rock se déploie, on ne sait jamais où cela va nous mener ni si cela va durer deux, dix ou plus l’infini minutes, au format Buzzcocks ou Sonic Youth. Des avions décollent en boucle sur le tarmac de la Laiterie et nous en prenons pour notre grade. Le public commence à bouillonner devant ces assauts sonores sombres et torturés, comme si Queens of the Stone Age avait pris une dose de Black Sabbath pour le goûter. Le brasero s’éteint comme quand il s’est allumé, dans un déferlement de décibels jouissif, puis plus rien : ne reste que la trace de l’acouphène et la mâchoire étirée. Thank you Satan.

Avant la suite du Festival des Artefacts les 24 et 25 juin avec The Hives, Skunk Anansie  ou DJ Shadow, cette soirée fut parmi les meilleures vécues dans la salle strasbourgeoise. La trilogie de la guerre du rock français dans le bon ordre : Grand Blanc, Von Pariahs, J.C.Satàn, on n’a pas fait mieux depuis Chewbacca. N’oublions pas The Dizzy Brains qui nous ont mis une sacrée claque en ouverture. Hédonisme et pentacle avec les doigts sur vous tous.