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Live-Report
Les Femmes s'en Mêlent : Shilpa Ray + Georgia

20 avril 2016
Rédigé par François Freundlich

Pour sa 19e édition, le festival Les Femmes s'en Mêlent se trouve être le seul festival où la programmation reste identique si l’on supprime de l'affiche tous les groupes uniquement masculins. Pour ce rendez-vous printanier désormais bien ancré dans notre planning musical de l’année, nous avons assisté à la date strasbourgeoise de deux artistes passionnantes. La New-Yorkaise Shilpa Ray et son folk-rock bricolé en étaient la tête d’affiche, succédant à l'explosive prestation de la Londonienne Georgia.

C’est avec une énergie folle que Georgia, ancienne batteuse de Kate Tempest (et accessoirement ancienne footballeuse d’Arsenal), présente son projet solo, mix invasif entre une synth-pop délurée et une batterie déchaînée. La demoiselle est intenable derrière ses fûts, augmentant sans cesse la cadence tout en assurant des parties vocales précises et lumineuses, d’une étonnante perfection étant donné ses mouvements saccadés. Sa cymbale est placée en hauteur, à l’image du batteur de Battles, groupe duquel on peut la rapprocher de par les sonorités bizarroïdes et non identifiées qui s'en échappent. Georgia est accompagnée d’une claviériste qui envoie du sample hyper-dansant pour des titres qui évoluent sans cesse, s'inspirant du garage UK, entre sonorités agressives et douceur vocale. On a rarement vu une batteuse / chanteuse mener aussi bien sa barque et on ne peut être qu’en admiration devant cette performance de haut vol, doublée de singles immédiats comme l’excellent titre Move Systems. Georgia y quittera temporairement son instrument pour venir nous aguicher davantage à l’avant de la scène. Elle terminera en délicatesse avec le titre Heart Wrecking Animal aux accents de Chromatics, comme pour nous faire frémir une dernière fois et nous préparer à nous calmer avant le second concert. Georgia Barnes risque bien de faire parler d’elle avec ce son frais et nouveau qu’elle est parvenue à dénicher pour nous l’exploser aux oreilles.



Après ce départ canon, c’est à l’Américaine Shilpa Ray de nous cajoler avec son folk électrique maculé d’un blues aux accents intemporels. Installée derrière son harmonium qu’elle maniera d’une main de maître pendant cette prestation sur un nuage, Shilpa Ray élève sa voix grave et ensorcelante, parfois soul, parfois rocailleuse, parfois berçante. La protégée de Warren Ellis et Nick Cave, dont elle a récemment assuré les premières parties, nous fait voyager dans le temps avec ces ambiances d’orgues et guitares 60’s remises au goût du jour, un peu comme si on avait mélangé une Patti Smith et une Amy Winehouse en pâte à modeler pour créer une nouvelle couleur. Son groupe de mecs apporte une dose de psychédélisme qui ne retombe jamais, tourbillonnant autour de cet harmonium central, pierre angulaire et organique de la prestation. La voix s’excite, se faisant de plus en plus criarde au fur et à mesure du concert. Shilpa Ray libère la panthère noire qui sommeille en elle pour se livrer totalement et partir dans des délires bruitistes insensés. En parlant de délires, le batteur décida subitement de terminer la prestation dans son plus simple appareil, à savoir un slip kangourou du plus bel effet. Quand les femmes s’en mêlent, les hommes ne peuvent jamais s’empêcher de se faire remarquer : son portrait terminera dans le smartphone de quelques adolescentes malgré quelques contestations. Quant à nous, nous terminons la soirée envoûtés par la bouillonnante Shilpa Ray, enragée jusqu’au bout des lèvres.

« Il est temps que les femmes arrêtent d’être aimablement énervées », disait Leymah Gbowee, Prix Nobel de la Paix. Pour le coup, elles se sont énervées pour de bon. Leur énergie communicative a fait le reste : Georgia et Shilpa Ray resteront d’excellents moments de ce festival Les Femmes s’en Mêlent.