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Live-Report
October Tone Parties 2018

25 novembre 2018
Rédigé par François Freundlich

Le label strasbourgeois October Tone s’installe au Molodoï pour trois jours avec son festival October Tone Parties. Son pari : inviter le meilleur de la scène indé actuelle et les mélanger aux groupes du label, qui en font évidemment partie. Ajoutez à cela une fameuse bière au concombre et au poivre, vous obtenez une fiesta à faire pâlir les meilleurs festivals du pays.

Le temps d’admirer les quelques installations du festival, comme le plafond décoré de requins à l’affût, qu’un concert débute sur la petite scène. C’est le duo lyonnais Fun Fun Funeral et son anti-folk déglinguée qui vont nous faire planer dès le début de soirée. Des images flottantes nous viennent en tête à l’écoute de cette guitare acoustique tortueuse rappelant Flotation Toy Warning ou cette voix nasillarde aux faux airs de Yoni Wolf de Why?. La pop mélancolique dans toute sa splendeur nous prend par les sentiments pour ne plus nous quitter durant ce concert aux arrangements méticuleux et sous-marins.

La tête d’affiche du soir nous vient d’Allemagne avec le krautrock kaléidoscopique de Camera. Les Berlinois sont venus en force pour nous faire vibrer chaque organe de leurs divagations instrumentales qui ne s’arrêtent jamais. Le quatuor enchaîne ses morceaux sans pause, leur but étant de nous perdre définitivement dans des méandres infinis de boucles psychédéliques. Ils nous tiennent en haleine au travers de leurs orchestrations complexes, poussant la Komische Musik dans ses retranchements les plus extrêmes. Il faut être très attentif pour tout comprendre même si le but n’est pas là, il suffit de se laisser embarquer sur leur tapis magique et ressentir des remontées d’organes lorsque les lentes mélopées s’entrecroisent. Les rares passages vocaux nous extirpent de nos échappées mentales pour se raccrocher à l’humain et relancer la machine. Camera c’était plus fort, c’était surtout plus loin.

Les Norvégiens de Golden Oriole restent dans la veine instrumentale sur la petite scène TKT avec leur noise qui tente de saccager nos tympans à force d’à-coups bruitistes du duo guitare-batterie. La rythmique est hyper rapide, avec un batteur impressionnant qui donne de sa personne pour cogner toujours plus vite tandis que la guitare sombre s’enfonce dans le volcan tapageur en éruption. Le show tout en puissance est de courte durée tant l’énergie déployée est gigantesque. Golden Oriole ça tabasse sévère, dirait-on pour faire plus court.

Les locaux du soir sont évidemment le sextet Hermetic Delight, venus présenter leur futur premier album qui sort très prochainement. Leurs nouveaux titres shoegaze pop envahissent le Molodoï tandis que la chanteuse Zeynep se jette sur son micro pour déployer sa voix sensuelle et aérienne. Les boucles post-punk de guitares sombres embrasent un public déjà conquis qui se lance dans des mouvements aléatoires. On découvre de nouvelles mélodies qui accrochent furieusement l’oreille, prenant la forme de tubes en puissance. Une classe ultime jaillit de chaque membre de ce groupe lorsqu’ils sont ensemble sur scène, et quelque chose d’assez indescriptible se passe. La guitare crado s’extirpe d’un amas rythmique proche d’une certaine idée de la perfection, créant un oxymore sonore tout particulier. Le show se termine dans une terreur instrumentale où la chanteuse termine sa danse au sol, comme terrassée par cet amas de cordes.

Le premier soir de festival se termine avec le performeur berlinois Ses Perisi, qui débarque seul sur scène dans un costume de feuilles et de branchage suspendus à son corps, uniquement vêtu d’un slip noir. Ses danses tribales provoquent l’interrogation, on a comme l’impression qu’il vient de descendre de son vaisseau spatial en essayant de communiquer avec nous par signes. Sa malle de déguisement l’accompagne : Ses Perisi a plus d’un tour dans son sac avec ses lunettes et autres accessoires qu’il sort au fur et à mesure du concert. Des boucles synthétiques s’échappent de ses machines tandis que les parties vocales répètent les mêmes mots sans fin. On ne s’attendait jamais à terminer la soirée ainsi mais la surprise valait l’attente jusqu’à cette heure tardive.

Pour le deuxième jour de ce festival, nous arrivons au Molodoï alors que le public est massé en cercle autour du quatuor Pauwels, qui délivre son noise-rock instrumental aux allures psychédéliques. La guitare hyper prenante se met à grincer pour atteindre des sommets de volume. Le groupe est uniquement éclairé par un spot se trouvant au milieu de leur cercle de feu. Des percussions et autres flûtes bizarroïdes aux sonorités asiatiques trouvent leur place au milieu des inspirations drone ou stoner. In your face.

On se calme un peu avec la pop rêveuse de Marietta, projet solo mais en groupe de Guillaume Marietta (The Feeling of Love). Le quatuor va nous faire vibrer et voyager pendant cette heure de concert où il enchaîne tube sur tube, avec un chant en anglais ou en français. Le Messin ose nous prendre par les sentiments au beau milieu d’un enchaînement de groupes parfois très bruts, voire brutaux. On pense parfois au lo-fi de Pavement ou au psychédélisme de MGMT avec cette voix profonde et enivrante. Dans le genre pépite cachée du rock français, Marietta a réussi à nous détacher de notre corps malade pendant un show tout en finesse et en déliés. Malheureusement nous devons nous arrêter là pour la soirée, terrassés par la bronchite.

Nous tentons de revenir le lendemain, car il serait trop dommage de ne pas profiter une dernière fois de ce festival magique qui n’a lieu que tous les deux ans. C’est Partout Partout qui ouvre le bal de ce samedi soir. Le duo guitare – batterie laisse parler sa noise instrumentale tout en puissance pour nous décoller les tympans à peine les portes du Molodoï ouvertes. Partout Partout joue à même le sol, tout comme Pauwels la veille, ce qui permet au public d’entrer en communion au plus proche du groupe et de vivre pleinement la fureur qui s’en dégage. Les deux sont déchaînés et enchaînent les titres avec une énergie à peine descriptible. Partout Partout a encore fait parler la poudre.

Les Québécois de Victime enchaînent sur la petite scène. Ce groupe nouvellement signé sur le label October Tone s’empare du son Riot Grrrl pour un déferlement déjanté et noisy, porté par la voix criarde de leur chanteuse et bassiste. On pense parfois à du Peter Kernel sous acide dans un show aux titres très courts mais au tempo hyper rapide. La chanteuse terminera sa course en sautant dans le public, atteignant le paroxysme de l’excitation, si c’était encore possible. Cela tourne un peu en rond mélodiquement mais l’énergie est bien là.

Les Anglais de Hey Colossus vont sérieusement nous calmer avec leur rock industriel sombre aux allures expérimentales. Leur chanteur à la voix grave et lancinante sur fond de krautrock inquiétant. Malgré un certain minimalisme, Hey Colossus parvient à nous noyer sous un déluge électrique tout en lenteur. On se laisse hypnotiser par les boucles qui passent et repassent dans une certaine torpeur avant que de gigantesques riffs nous fassent du rentre-dedans. Après ça, on a comme une légère envie de décapiter des chauves-souris avec la bouche.

Pour freiner notre fougue, c’est Töfie qui entre en scène sur la petite scène. Derrière ses machines, la chanteuse et productrice montpelliéraine déploie un electronica déviant rappelant parfois Fever Ray, avec un chant en allemand, islandais ou anglais. La froideur s’empare du Molodoï et des envies de danser nous prennent. Les boucles de synthé s’envolent et la voix vaguement monocorde se déploie avec une certaine nonchalance. L’OVNI de la soirée.

Nous devons déjà quitter les October Tone Parties, ce festival où la découverte ne s’arrête jamais, mais notre photographe a bravé le reste du festival pour vous proposer un photo-report des meilleures prestations des autres groupes comme Bleib Modern, Amor Blitz ou Adam and the Madams. On espère revenir pour une troisième édition des October Tone Parties !


Photos de Patrice Hercay