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Live-Report
Oiseaux-Tempête et Princess Thailand au FGO Barbara

12 octobre 2018
Rédigé par Florian Sallaberry

Espérons que l’isolation sonore du FGO-Barbara soit béton en ces temps de fermetures administratives abusives, car ce jeudi soir, la déferlante noise Princess Thailand et les envolées post-rock assourdissantes des adorés Oiseaux-Tempête aura fait trembler les murs de Barbès à Stalingrad.

On lit que Princess Thailand est formé d’ex-membres de Sound Sweet Sound, et on a du mal à le croire. Finie la psyché lancinante, les Toulousains font désormais dans le rentre-dedans. Dès les premiers coups de baguette du batteur, on comprend que Princess Thailand ne fait pas dans la dentelle. Si quelques moments d’accalmie nous permettent de temps en temps de reprendre notre souffle, le quintet opère par déflagrations sonores. En constante tension, l’ambiance est électrique et inquiétante. Sur scène, la chanteuse est habitée, se contorsionne devant le batteur, qui balance de gros rythmes lourds agressant de plus en plus nos tympans. Sa voix nous rappelle une certaine Polly Jean, et alors qu’apparaissent des sonorités orientales, elle se transforme en chamane, semblant déclamer une incantation mystique qui s’intensifie pour finir en hurlements saisissants. C’est cette belle énergie qui caractérise le groupe, particulièrement marquée par le bassiste, qui semble dans un premier temps discret mais qui, à chaque explosion sonore, met un pied sur les amplis et agite sa basse dans tous les sens. Absolument fascinés et secoués par la puissance sonore des Occitans, nous suivrons avec attention le 26 octobre prochain la sortie de leur premier album à la pochette au moins aussi anxiogène que leur son.

Puis viennent les Oiseaux-Tempête. Déjà vus ici et là, nous savons leur maîtrise, nous adorons leurs progressions vers le tout sonore, nous aimons cette musique qui tantôt nous bouleverse, souvent nous bouscule, et toujours nous envahit. Nous fermons les yeux, il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à voir, les membres du groupe jouent dans le noir. Parfois un stroboscope nous éblouit et nous sort de nos pensées, mais c’est bien dans nos têtes que se passe le concert. Et tant pis pour les belles images projetées. Car la musique d’Oiseaux-Tempête, si elle se vit en groupe, est incroyablement personnelle. Ce groupe a une capacité folle à nous émouvoir, à nous renvoyer à nos propres angoisses, regrets, espoirs. Nous errons souvent, submergés par la nostalgie, quand nous apercevons une lumière tenace et salvatrice au détour d’une boucle entêtante. Sur certains morceaux, c’est l’ancien chanteur de The Ex, G.W. Sok, désormais habitué des concerts d’Oiseaux-Tempête, qui vient poser sa voix en déclamant des textes en anglais et en français. Une silhouette droite, un visage impassible, quand tous les autres s’agitent autour. Il semble être le fier capitaine, debout sur le pont, d’un rafiot en pleine tempête.

Le son des Oiseaux-Tempête évoque des contrées orientales, le saxophone de Frederic Oberland quittant le free-jazz pour ressembler au son d’un rhaita, virage résolument pris par le groupe depuis les deux derniers albums pour notre plus grand plaisir. Il faut noter la présence d’un autre invité régulier, Mondkopf, qui vient déposer nappes et samples, ajoutant de la profondeur et du mystère au son du groupe. Assurément, c’est Palindrome Series qui marque le plus les esprits, morceau tout en tension, qui nous donne l’impression d’être au cœur d’une course-poursuite au milieu d’un souk dans la confusion totale. Alternant entre rythme effréné au BPM élevé et explosions soniques puissantes et envahissantes, le morceau est un véritable exutoire qui exorcise nos démons. Nous sommes toujours conquis par les longues compositions du groupe, qui pourraient sembler interminables aux impatients mais que nous trouvons résolument trop courtes. On voudrait que ces boucles soient infinies, et rester éternellement dans cet état proche de l’Ohio.

Et c’est comme toujours : ébouriffés, euphoriques et satisfaits, que nous quittons la salle du FGO Barbara.