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Live-Report
Wovenhand + Christine Owman à La Laiterie

15 juin 2014
Rédigé par François Freundlich

Wovenhand + Christine Owman
La Laiterie, 2 juin 2014

 

Des voix obscures s’évadaient de La Laiterie en cette chaude soirée de printemps, avec deux groupes amateurs de matière noire électrique. Le grand David Eugene Edwards en fait partie avec son groupe Wovenhand, né sur les cendres des mythiques 16 Horsepower, séparés voilà presque dix ans. La première partie est assurée par la Suédoise mystique Christine Owman et son violoncelle déroutant.

Souriante et enjouée entre les morceaux, Christine Owman dégage une énergie bien différente lorsque sa musique s’écrit. Assise devant son violoncelle, elle déploie son instrument dans des sonorités stridentes et malicieuses, enregistrant des boucles angoissantes sur son pédalier avant de multiplier les couches de cordes. Elle est accompagnée d’un guitariste caché sous sa capuche, assurant des nappes graves et saturées pour donner une couleur shoegaze aux compositions. La Suédoise se détache de toute structuration lorsqu’elle fait divaguer son violoncelle sombre et labyrinthique, triturant sa pédale d’effet tout en élevant sa voix folk aiguë et limpide. L’atmosphère créée par Christine Owman nous fait frémir, liant une dream pop éthérée à des saturations post-rock orageuses. Elle reste dans l’ombre d’images projetées sur elle ainsi qu’à l’arrière de la scène, à l’image d’un Mark Lanegan avec qui elle a collaboré récemment. L’ouverture fut idéale, la soirée est bien plus que lancée.

Le groupe de Denver peut se lancer, sans pour autant rallumer les lumières. Les guitares saturées de Wovenhand résonnent de plus en plus fort et le charisme de David Eugene Edwards fait mouche. Caché sous son chapeau à plume de douanier canadien, le gentleman élève une voix de zombie semblant venue d’un autre espace-temps et rappelant l’ardent Nick Cave. On retrouve les ambiances spirituelles de 16 Horsepower mais avec une sérieuse dose d’électricité et de tension. Des crescendos instrumentaux en forme de tornades nous enveloppent, emportant tout sur son passage. La voix grave reste en retrait, prêchant des incantations parlées illuminées. La rythmique est emportée par un batteur à la main lourde, alors que le bassiste hirsute Neil Keener tonne une saturation grasse, le dos au public et penché sur son instrument. Edwards est garant des influences blues, constamment torturées par la seconde guitare transparente de l’homme au bandeau. La même formule légèrement redondante est utilisée à outrance : on s’en rend compte sur la seconde moitié du concert, mais cela fait bien longtemps qu’on est passé du côté obscur de la force, Wovenhand rend aveugle et la transe est trop belle. La terrible prestance des Wovenhand nous a enflammés d’une jubilation intérieure sous tension.

Il ne fallait pas rallumer les lumières trop vite après ces deux concerts en clair-obscur, sous peine de subir une inflammation sévère de la rétine. Christine Owman et Wovenhand pourraient sûrement provoquer un blackout solaire si on les lançait en orbite.