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Chronique de disque
Peter Kernel - Thrill Addict

19 janvier 2015
Rédigé par Florian Sallaberry

 

 

Peter Kernel - Thrill Addict

Sortie le 19/01/2015

Note : 4/5

 

 

Charnel. Comment pourrait-on mieux qualifier Peter Kernel ? Leur musique, leurs prestations scéniques, leur imaginaire nous renvoient à la sexualité, au désir, au plaisir, au mélange des corps. Car Peter Kernel c’est avant tout l’amour de deux êtres, la passion extrême entre la Canadienne Barbara Lehnhoff et le Suisse Aris Bassetti. Artistes géniaux à la créativité débordante, ils tombèrent amoureux, non sans s’être détestés d’abord, en travaillant ensemble sur un film expérimental réalisé par Barbara. Puis une fusion totale, deux albums de rock brut et un projet électro-clash porté par Barbara : Camilla Sparksss.  

La complicité du couple transparaît complètement sur la pochette de leur troisième album, Thrill Addict : les deux visages d’Aris et Barbara sont collés. Ils semblent endormis, paisibles. Peut-être sont-ils nus, après l’amour, après la création ? C’est cet état d’esprit, entre tension sexuelle et passion fusionnelle, qui caractérise le son si particulier du groupe. Secouant tout ce qui est en place, ils reviennent à l’essence même du rock : une guitare, une basse, une batterie.
Le titre de l’album, Thrill Addict, nous rappelle nos pires addictions, celles dont on ne peut pas se séparer, même si l’on est sûr que ce n’est pas bon pour nous. Premier morceau du disque, Ecstasy semble faire écho au Heroin du Velvet Underground. Empruntant la même progression, décrivant également la prise d’une drogue, la perte de la notion de la réalité, où les corps flottent mais se rapprochent inoxérablement du sol du fait de la gravité.
Les compositions du groupe, fortement imprégnées de l’esprit punk, sont puissantes et sans concession. La tension que l’on ressent sur Keep It Slow ou sur They Stole The Sun semble emprunter à la new wave de Joy Division sa basse persistante et entêtante. Dans un même temps, Leaving For The Moon ou Your Party Sucks construisent des mélodies répétitives dignes des meilleurs morceaux de post-rock.
Les voix de Barbara et Aris se répondent : entre les plaintes à la limite de la rupture du Suisse et la voix tantôt provocante tantôt puissante de la Canadienne, l’équilibre est tout trouvé. High Fever, à la rythmique décapante, nous permet d’apprécier la douce folie de Barbara qui hurle, comme en syncope, les délires décousus d’une vision hallucinatoire fiévreuse où l’on croise pêle-mêle un chat volant, une licorne ou des dauphins.
La ballade It’s Gonna Be Great se détache de l’ensemble explosif de l’album, mais c’est là que le couple semble atteindre les sommets, de ces chansons intemporelles que l’on déguste avec des fèves au beurre et un excellent Chianti, au coin du feu ou dans la moiteur d’une chaude nuit d’été. Le doux accompagnement électrique, quelque part entre le Velvet et Sonic Youth, nous fait décoller de la morne actualité, et le chant léger et chaud nous éloigne de nos inquiétudes.

Oui. Tout ira bien, tout ira bien.


Thrill Addict s’impose comme le disque rock d’une génération, avec ses aspirations post-rock et punk, totalement dans l’esprit art rock. Loin de toutes conventions, c’est un son politiquement incorrect, hautement sexuel, chaud comme deux corps qui se rencontrent. Charnel.