Webzine indépendant et tendancieux

Chronique de disque
Eagulls - Eagulls

11 mars 2014
Rédigé par François Freundlich




Eagulls - Eagulls

Sortie : 4 mars 2014

Note : 4/5




Les nerfs à vif et le corps possédé, Eagulls sort enfin l’un des albums les plus attendus de ce début d’année après une flopée d’EP et surtout ce single Nerve Endings qui a laissé une traînée de poudre en fin d’année dernière. Les membres du quintet de Leeds n’ont pas des allures de stars, mais plutôt de working-class heroes taillés bruts. Ils ont pourtant le rock collé au corps, balançant un post-punk hurlant et transperçant.

Cet album est bien le pavé dans la mer de la perfide Albion que l’on attendait. Son effet d’urgence immédiate engendre un tremblement des membres autant que des caissons de basses, malmenés par ces boucles hyper rapides, montant et descendant sur ces résonnances saturées de guitares shoegaze. Le single d’introduction Nerve Endings en est l’incarnation avec l’un des riffs « In Your Face » les plus puissants et les plus accrocheurs dans sa simplicité et son évidence que l’on entendra cette année, rappelant ce qu’avait fait The Walkmen avec The Rat. Du post-punk à Madchester, Eagulls rend fou avec ces fluctuations angoissantes d’une tension palpable. La voix monocorde de George Mitchell résonne dans un déchirement de gorge permanent, il semble ne jamais respirer. Avec cet accent qui fleure bon le nord de l’Angleterre : on a trouvé les nouveaux Kings of the North. Eagulls n’oublie pas d’injecter un soupçon de subtilité à la Jesus & Mary Chain au milieu des murs de guitare comme sur Yellow Eyes.

Même si les titres se ressemblent beaucoup avec ces mots sans cesse répétés en guise de refrain (« Televisions », « Can’t Feel it »), ils nous envoient au tapis à chaque tentative d’y résister. L’autre sommet de l’album est ce Tough Luck qui entre directement en mémoire pour liquéfier le cerveau. On a envie que ces quatre accords de guitare ne s’arrêtent jamais, d’autant plus lorsque la batterie punk s’arrête, pour laisser évoluer la mélodie seule dans cette instant rappelant The Cure. La guitare se fait encore plus criarde sur la fin de l’album avec une énergie qui va crescendo. Eagulls flirte avec le faux et la noise sur Amber Veins et son larsen répondant à cette voix déviante. Le chanteur semble bien possédé par un démon sur Possessed tant son cri nous transperce tandis que l’on ne peut que reprendre ces « I’m possessed » jubilatoires. Les saturations se croisent et se relayent : notre radar sensoriel suit en permanence cette basse Joy Divisionesque sur laquelle reposent toutes les compositions. Ce groupe est branché directement sur la centrale électrique, en n’oubliant jamais une qualité dans les compositions qui est bien au rendez-vous.

Eagulls a su digérer ses influences des 80’s et 90’s pour l’adapter à un son contemporain, prouvant que le rock anglais possède toujours cette fraîcheur et cette capacité d’offrir de jeunes groupes sortis de leur boîte à surprise.