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Chronique de disque
Warpaint - Warpaint

18 janvier 2014
Rédigé par François Freundlich




Warpaint - Warpaint

Sortie : 20 janvier 2014

Note : 4 / 5




Le groupe de filles le plus cool de la planète lance l’année musicale avec son deuxième album, sobrement titré Warpaint, définissant ainsi leur propre son reconnaissable immédiatement et l’emmenant encore plus loin, avec davantage de maîtrise et d’affirmation. Ces quatre sirènes éthérées donnent parfois l’impression de jouer sous l’eau sans jamais plus vouloir nous laisser leur échapper, mais nous veulent-elles vraiment du bien ?

La musique de Warpaint est avant tout autre chose intensément prenante : elle s’incruste en vous pour ne jamais vous lâcher. La base rythmique basse – batterie de Stella Mozgawa et Jenny Lee Lindberg cause ces ravages de par sa précision entêtante, surplombant les compositions. Sa perfection est telle que le groupe se permet de démarrer l’album sur une erreur rythmique suivie d’un « sorry », pour la touche de second degré. Ce second album s’éloigne des influences 80’s de The Fool pour explorer totalement chaque nouvelle direction prise ; et elles sont multiples. Warpaint emmêle ses fils laineux pour les disperser vers les quatre points cardinaux, ne se contentant jamais du panneau noir et blanc « One Way ». On se sent alors cajolé, brusqué, enveloppé et surpris à la fois. La complexité est de mise dans la production riche autant que méticuleuse de Nigel Godrich et Flood. On y retrouve d’ailleurs certains éléments de Radiohead, mais aussi des entremêlements psychédéliques ou des ponts atmosphériques krautrock, avec des synthés davantage mis en avant. Les pop-songs sont néanmoins de la partie : si on écoutait Undertow en boucle sur leur premier album, c’est Love Is To Die qui nous reste ici directement en tête. Warpaint parvient à inscrire son nom dans la pop tout en conservant ce côté éraillé et déviant, avec ces notes cassées servant une mélancolie apaisée.

La voix de Emily Kokai suit ce mouvement, s’effondrant sur elle-même, s’effaçant parfois pour mieux reprendre les devants. Tantôt plaintive, tantôt claire, elle vit son existence propre toujours détachée des instrumentations. On pense parfois à Blonde Redhead lorsqu’elle monte dans des aigus lancinants à l’avant de la discrète guitare de Theresa Wayman, apportant quelques pointes de couteaux décisifs. Les influences électroniques s’affirment davantage comme sur Hi et ses infrabasses caverneuses ou sur Biggy et ses notes synthétiques obsédantes. Son gimmick mid-tempo langoureux et hypnotisant est symbolique d’un album qui donne envie de s’y replonger immédiatement une fois terminé. L’OVNI de cet album est sans nul doute Disco/Very et sa rythmique enflammée quasi dancefloor alors que les quatre voix jusque là plutôt sages prennent des accents bitchy. Les bad girls font un pas vers un mainstream électro maltraité et grinçant capable de nous faire remuer les hanches, avant de retrouver un certain calme, ni vu ni connu, sur la fin de l’album. La structure des morceaux y évolue encore vers des exaltations tourbillonnantes, sombres ou angoissantes comme sur la fantomatique CC, titre pouvant rappeler Portishead, qui avait également un deuxième album éponyme. On vibrera jusqu’au dernier souffle avec la minimaliste Drive et ses chœurs enivrants.

Warpaint signe le premier grand album de 2014, caractérisé avant tout par l’ambiance mystérieuse et apaisée qu’il parvient à créer de par son écoute. Il faudra du temps pour en cerner chaque recoin tant le travail de composition, autant que de production est grand. Les quatre filles de Los Angeles s’affirment avec ce deuxième album comme un groupe phare de leur génération.