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Chronique de disque
Belle and Sebastian - Girls in Peacetime Want to Dance

22 janvier 2015
Rédigé par François Freundlich


Belle and Sebastian - Girls in Peacetime Want to Dance

Sortie le 19 janvier 2015

Note : 4/5




La sortie d’un nouvel album du groupe de Glasgow devenu culte est toujours un petit événement. On guette la fameuse photographie sur la pochette et on attend le titre d’ouverture, souvent la première perle d’une longue série. Ce Girls In Peacetime Want to Dance ne fait pas exception, mis à part le fait que Belle & Sebastian y explore de nouveaux champs musicaux surprenants, encore plus que sur ses sept autres albums. Les filles en temps de paix veulent danser… et en temps de guerre ? Sûrement encore plus. And Girls, they wanna have fun!

Belle & Sebastian, ou l’art d’enchaîner les compositions immédiates et fulgurantes comme si c’était simple, comme si la composition faisait le compositeur et non l’inverse. Cette idée nous a bien sûr été chuchotée par le premier film du leader Stuart Murdoch, God Help The Girl, et cet album nous donne de multiples occasions d’y repenser. Quelques accords mélancoliques, la douce voix de Stuart Murdoch et on entre à nouveau dans ce château sucré, classieux et voluptueux. On a l’impression de se laisser glisser sur un toboggan pour atterrir dans un océan chocolaté à chaque refrain. Les textes sont toujours marquants même si légèrement plus politisés, mais narrant avant tout l’influence qu’ont les changements politiques globaux sur les personnages de l’album. Du « when there's bombs in the Middle East, you want to hurt yourself » sur Allie au « Everybody bet and in the government trusted » de The Cat With the Cream (les histoires de chat attirent forcément notre attention). La voix reste pourtant dans l’apaisement, et on retrouve ces détours de syllabe qui nous feront frémir et qui nous resteront en tête.

Après quelques pépites pop comme la très personnelle Nobody’s Empire, son refrain entêtant, ses xylophones virevoltants prolongés de chœurs gospels ou encore Allie et son électricité saisissante, Belle & Sebastian change radicalement d’ambiance. Ils introduisent des titres électro-pop comme The Party Line, The Power of Three ou même de l'eurodance sur Enter Sylvia Plath. Que s’est-il passé ? « Jump to the beat of a party line » : on ne s’attendait certainement pas à ça ! La rythmique s’emballe, les percussions mouvantes répondent au léger effet modifiant les voix de Stuart ou de Sarah Martin. On pense même à Ladyhawke sur le premier titre chanté par la violoniste, avec des échos synthétiques rappelant la dream-pop. Enter Sylvia Plath est déroutante, tournant presque à la chanson de Noël de free-party 90’s. Ces explorations resteront certainement comme anecdotiques dans leur discographie, mais avouons tout de même qu’avec quelques grammes dans le sang, on se serait bien lancé sur une piste de danse. The Everlasting Muse prolonge, sonnant comme une pièce d’ABBA qui donnerait l’envie de danser autour du feu les mains au ciel.

Heureusement, les ballades pop nous ramènent les pieds sur terre avec l’émouvante The Cat With the Cream ou encore ce violon virevoltant entre les cordes et cette grâce délicate sur Ever Had a Little Faith?, marquée par son refrain à la Crimson & Clover. Stevie Jackson nous parle d’amour avec ces « Perfect Couples are breaking up, what have they done? » avant de repartir sur l’électro-pop rétrofuturiste-avant-gardiste de ce titre synth-marathonique de plus de sept minutes, Play for Today, chanté en duo avec Dee Dee Penny des Dum Dum Girls. La malicieuse Sarah Martin nous ramène à la pop joyeuse et b(l)ondissante de God Help The Girl sur The Book of You.

On pourrait crier au manque de cohérence pour cet album mélangeant ce que Belle & Sebastian sait faire de mieux, comme Nobody’s Empire ou The Cat With the Cream, avec des productions parfois douteuses proposées par Ben Allen (qui a travaillé avec Animal Collective, Washed Out ou Cee-Lo Green). Mais ces dernières sont finalement assez bien exécutées pour qu’on parvienne à presque toutes les digérer. Cela ne sera pas leur meilleur disque, mais ses compositions sont suffisamment marquantes pour en faire un album qui va compter en 2015.