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Chronique de disque
Mermonte - Audiorama

11 mai 2014
Rédigé par François Freundlich




Mermonte - Audiorama

Note : 4,5/5

Sortie le 27 mai 2014





La mer monte rarement jusqu’à Rennes, mais c’est bien sur les rives de la Vilaine que le multi-instrumentiste Ghislain Fracapane pose les bases de son projet, faisant prendre une énorme bouffée d’air frais à la pop française. Remarqué dès ce premier concert où il réunit une dizaine de ses amis dans la salle du Jardin Moderne, il remportera ensuite le concours national semé d’embûches des Inrocks Lab, juste avant une lumineuse prestation aux Transmusicales 2012 qui a fortement marqué les esprits. Après un premier album acclamé, Mermonte nous revient avec Audiorama, une expérience auditive prenant la forme d’un chaînon manquant entre la french pop, la musique classique et le post-rock.

Les morceaux d’Audiorama portent tous le nom et le prénom d’amis du compositeur, dressant un portrait auditif de ses proches qui l’ont inspiré dans son travail. Et quel travail puisque les orchestrations vont encore plus loin dans la finesse, la sensibilité ou la grandiloquence, introduisant des arrangements d’orfèvre de génie. Les envolées de violons répondent aux flûtes tournoyantes, clarinettes goguenardes, cuivres héroïques, le tout porté par une rythmique enlevée et méticuleuse tenant du math-rock lorsque la guitare se déchaîne. Cette musique est d’une rare pureté, large, spatiale, mais réussit le tour de force de ne pas se prendre au sérieux. Elle reste fun, légère comme une brise, parfois loufoque et entraînante à l’image de ces chœurs joyeux entonnés à tue-tête. Mermonte l’optimiste pourrait être la bande-son éclatante d’un road trip solaire ou lunaire qui colle des étoiles dans les yeux. Il parvient à prouver qu’une musique en majorité instrumentale pouvait se lover dans la pop la plus accessible, conservant la puissance de Tortoise en la fusionnant avec la sensibilité de Efterklang ou Sufjan Stevens ou l’universalité de la musique islandaise de múm.

Une certaine classe transparaît dès les premiers titres. Après cette introduction vaporeuse au glockenspiel, le titre Karel Fracapane annonce la couleur, celle d’un grand groupe en train de naître. Les imaginaires s’enchaînent, les morceaux se racontent comme des contes, entre envolées sauvages, inspirations naturalistes ou chants de baleine. Au milieu des sifflements spatiaux et autres marimbas grouillants, la guitare acoustique semble parfois jouée comme au coin du feu, tranchant avec une certaine perfection acoustique globale. Le tube de l’album sera Cécile Arendarsky (en voilà une qui a de la chance), avec ces textes submergés d’instrumentaux d’orgues en carrousel, de xylophones furtifs et de guitares en force de Coriolis, reprenant sa place dans un final jouissif d’une parfaite maîtrise. Au-delà des visions cinématographiques qui défilent dans l’esprit, un certain classicisme ressort des ces mini-symphonies pop, comme si les Quatre Saisons étaient contenues dans chacun des morceaux. On retrouve la force développée lors des concerts sur la fin du disque avec ces explosions qui agrippent.

Avec Audiorama, Mermonte parvient à unir sous sa bannière les amateurs de post-rock puissant, de pop légère ou d’orchestrations classiques. Voilà un album au son réellement neuf, s'affirmant comme le groupe qui manquait à la production française actuelle : un chaînon manquant qui explose au grand jour.