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Chronique de disque
The Wooden Wolf - 14 Ballads Op.1

17 septembre 2013
Rédigé par François Freundlich

The Wooden Wolf

The Wooden Wolf - 14 Ballads Op. 1

Sortie le 10 décembre 2012

Note : 4,5/5





Il paraîtrait que le loup se réapproprie progressivement les bois des Vosges et du Jura jusqu’à faire peur aux chats. Pas échaudés, nous en avons découvert un beau spécimen à l’occasion de la release party du premier album de The Wooden Wolf. Alex Keiling viendrait plutôt de la plaine du Sundgau, pays plus habitué à des carpes muettes qu’à des songwriters folk de génie. Ce 14 Ballads Op. 1 regorge de remarquables compositions teintées d’une fragilité instrumentale et d’une force vocale à couper le souffle.

Dès la première écoute, on a conscience que l’on vient de trébucher sur une racine dorée au milieu de la forêt. Cette voix profonde et un brin juvénile s’engouffre dans nos oreilles, nous prenant immédiatement à la gorge, et donne envie de ne jamais s’en séparer. L’album est truffé de subtiles ballades mêlant la subtilité d’une guitare acoustique toujours très discrète avec cette voix vulnérable un brin éraillée et mise en avant par un léger écho lui insufflant une certaine spiritualité. Les nombreuses références à un amour perdu font penser à un album de rupture, au sein duquel trois courts interludes forment des passages d’un état émotif à un autre. Peut-être ces morceaux ont-ils été écrits dans une phase particulière de la vie du compositeur, mais la redondance de mêmes accords se répétant à l’infini sur plusieurs titres fait revivre encore et encore les mêmes émotions, ou la même journée. Voilà un disque à ne pas écouter seul dans le noir, car il provoque un bouleversement immédiat des sens entre textes dramatiques d’une grande beauté et emportements glaçants déchirant l’âme.

A Little Bit Of Crying introduit ce phrasé élégant et limpide, rappelant parfois les intonations de Elliott Smith, même s'il possède sa personnalité propre. Quelques lourdes notes de piano s’interposent alors que les chœurs divaguent dans de planants aigus. La voix se fait plus forte sur We Can’t Find The Light, prenant des teintes cassées sur un refrain aux accents pop d’un titre où la colère s’exprime de manière plus flagrante. Un violoncelle majestueux double parfois certaines ballades comme The Dust. Cet instrument prend d’ailleurs une part importante lors des concerts de The Wooden Wolf. Une pluie d’accords cristallins s’interpose au bruit de pluie et d’orages sur la splendide Horses In The Storm, où Alex pousse ce cri fébrile et transperçant. Certains morceaux semblent venir du Manitoba et non de l’Alsace, mais avouons toutefois que l’homme est né au Canada. Out of Sight In The Direction Of My Body revêt des habits gospel avec ces chœurs et ce violoncelle grinçant.

Une guitare électrique peut se substituer à l’acoustique comme sur Nobody’s Blue ou Dull Is The Sting, rappelant Jeff Buckley. Cette influence apparaît encore plus dans l’interlude qui suit avec ces « Last goodbye » et « So long my dear » d’une tristesse infinie. L’album se termine en apothéose avec trois derniers titres stellaires et apaisés. Long Dark Blues répète ces textes d’une voix plaintive  « If love is for breaking your heart, is hate for healing and restart? » dans un blues tout en langueur. Le thème de Lullaby rappelle celui de Lua de Bright Eyes avec cette guitare bancale dont les cordes semblent avoir vécu une longue vie, pour un titre qui pourrait avoir été inventé sous un abribus et enregistré sur le coup. Alex répète cette fois « Close to you and your breast, separate from the rest, that’s the best thing I can dream about » : en ayant effectivement placé une photo de femme poitrine nue sur la pochette. The Wooden Wolf se dévoile finalement complètement sur un dernier morceau de dix minutes dont le titre When The Hungry Ghost Of Your Love Whispers In My Ear parle de lui-même.

Ce premier album de The Wooden Wolf reste dans la mémoire, on prend plaisir à le réécouter et le redécouvrir lorsque l’ambiance et l’état d’esprit lui correspondent. On est en tout cas ravi de savoir qu’un compositeur d’un tel niveau vient d’ici et peut aller très loin, si l’on écoute d’autres bijoux hors album comme Your Drinking Shoulder. Un second album serait en préparation, après une tournée française qui passera par la première partie de Neil Halstead à l’Espace B, si vous voulez voir le loup.