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Chronique de disque
Max Richter - Three Worlds : Music from Woolf Works

04 avril 2017
Rédigé par Sylvain Calves


Max Richter - Three Worlds : Music from Woolf Works

Sortie le 27 janvier 2017

Note : 3/5

 

Comment se contenter d'un honnête effort quand on a tutoyé l'excellence ? La question n'est pas nouvelle et concerne l'ensemble du corps artistique, musicien comme cinéaste, plasticien comme écrivain. Elle nous est de nouveau posée aujourd'hui avec la sortie du dernier disque de Max Richter, compositeur de formation classique qui, depuis près de 15 ans maintenant, a su mêler comme personne les expérimentations les plus exigeantes et la quête d'une certaine évidence mélodique.

 

Cette reconnaissance, jusqu'ici unanime, est cette fois mise à mal avec la parution de son dernier disque – 16 pistes de longueurs variables, divisées en 3 mouvements, eux-même inspirés par 3 oeuvres de Virginia Woolf. Les Inrocks écrivent alors que « le compositeur phare du néo-classique commence à montrer des signes de fatigue ». Le service culturel de Libération va plus loin et parle d'un disque « pénible » avant d'oser une comparaison injuste mais drôle : « la musique de Max Richter est l'équivalent des romans de Marc Lévy en matière de littérature française ».

 

On le sait, la critique aime brûler aujourd'hui ce qu'elle adorait hier, dans un curieux systématisme qui peut parfois laisser perplexe. Il n'empêche. Ce disque n'est pas un chef d'oeuvre. Il flirte même parfois dangereusement avec l'anecdotique et souffre souvent de la comparaison avec les enregistrements précédents. Ainsi, on passera vite sur le premier segment, 4 pistes fastidieuses, principalement axées « piano », émaillées de quelques sections de cordes tristement académiques. Un résultat sans relief, complètement inoffensif, où tout tombe à plat et sonne bien trop « flat ».Il faut attendre le deuxième mouvement pour que Richter retrouve enfin le goût de l'expérimentation. C'est la meilleure partie du disque. Cela tombe bien, c'est aussi la plus longue.

 

D'emblée, la bien nommée Modular Astronomy sort de la naphtaline pour imposer une nouvelle direction. Dès lors, on ne sait plus très bien si ce qui est joué est organique ou synthétique. On flirte parfois avec l'ambient, mais une tension, une certaine nervosité sous-tend chaque pièce, même les plus calmes, repoussant l'ennui et la répétition. Une colère sourde s'invite ensuite sur The Tyrany of Symetrie, avant que la mélodie au sens classique du terme ne fasse son grand retour sur The Explorers, à la beauté simple et évidente. Encore plus loin, Genesis of Poetry évoque un improbable croisement entre Vangelis et Autechre. Cette partie revigorante et salutaire se clôture sur cette Love Song, dépouillée, comme jouée en suspend, et cela aurait peut-être pu (dû?) être la fin du disque.

 

Reste pourtant un dernier segment, composé d'une seule piste de 23 minutes, aux sonorités empruntant beaucoup à certains motifs du Pruit Igoe and Prophecies de Philip Glass. On sent bien ici que Richter aimerait renouer avec ses morceaux les plus majestueux, ceux capables de sublimer des films qui pourtant n'en avaient pas besoin (le Shutter Island de Martin Scorsese et le Premier Contact de Denis Villeneuve en tête). Pourtant là aussi, le résultat n'est qu'à demi convaincant. Ce dernier mouvement est au fond à l'image du disque tout entier : trop long, s'écoutant parfois un peu trop jouer, manquant d'élan et parfois d'inspiration, mais capable aussi de fulgurances et de prises de risques notables. En somme... un honnête effort.